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Altice: quand la dette commence à semer le doute

Les marchés financiers émettent leurs premiers doutes concernant la capacité d'Altice à gérer son important endettement, chiffré à 45 milliards d'euros.

Les marchés financiers émettent leurs premiers doutes concernant la capacité d'Altice à gérer son important endettement, chiffré à 45 milliards d'euros. - Eric Piermont-AFP

Premières petites secousses autour de la holding de Patrick Drahi (futur actionnaire majeur du groupe NextradioTV). Le titre a perdu 9.36% sur les deux dernières journées de bourse, sur fond d'inquiétudes concernant le poids et la gestion de sa dette.

C'est bien la première fois que les marchés financiers se mettent à émettre quelque doute que ce soit autour d’Altice. Jusque-là, la frénésie d’acquisitions de la holding financière de Patrick Drahi, qui contrôle entre autres Numericable-SFR, a toujours été suivie sans aucune arrière-pensée et sans réticence par les investisseurs.

A tel point qu’au début de l’année, on évaluait la capacité d’emprunt d’Altice à plus de 100 milliards d’euros, malgré une dette élevée et des projets certes structurants, mais pas dénués de risques.

Aversion générale au risque

Mais voilà, Altice est rattrapé par la réalité d’un marché devenu beaucoup plus volatil. Et la confiance des investisseurs a une fâcheuse tendance à suivre le même chemin. Après un 2ème trimestre flamboyant, un des meilleurs depuis ces dernières années, le 3ème s’annonce comme l’un des pires. Alors cette méfiance touche l’ensemble des grands groupes qui doivent gérer des montants de dette très importants.

Surtout que l’on est désormais dans un contexte d’incertitude monétaire notamment aux Etats-Unis, où les taux sont appelés à remonter prochainement, renchérissant le coût de gestion des obligations d’entreprise dans le sillage.

Structure financière toujours solide

Mais Altice à une carte importante dans la manche : le taux de rentabilité le plus élevé du secteur télécom, comparé à sa dette. Celle-ci est évaluée à 45 milliards d’euros environ par le cabinet Alphavalue, soit 5 fois le résultat brut du groupe. Alors que la moyenne du secteur tourne autour de 2 ou 3.

Même constat chez Standard And Poor’s, dernière grande agence de notation qui s’est exprimée sur Altice. La note de crédit est inchangée à B+, mais reste sous surveillance avec implication négative, donc avec un risque d’abaissement. S&P estime que les 3 prochains mois seront cruciaux pour régler la problématique du refinancement de la dette. Mais aucun signe grave outre mesure.

Hausse de la prime de risque

De quoi rester relativement optimiste, et garantir que le groupe saura, dans les années futures, rentabiliser de manière optimale ses investissements pour pouvoir financer confortablement ses obligations. Le tout est que la confiance des investisseurs reste entière.

Mais même Altice est obligé de faire avec le phénomène d’aversion au risque qui touche l’ensemble des marchés depuis quelques mois. Le risque augmente partout, et il faut en payer le prix.

Appel au marché moins élevé que prévu

Ainsi, par exemple, si Altice vendait ses obligations à haut rendement avec un coupon de 6% en début d’année, les banquiers du groupe deviennent plus difficiles et plus exigeants, et demandent maintenant, selon les observateurs, des rendements plus proches de 8 ou 9%.

Un état de fait qui a obligé dernièrement Patrick Drahi a revoir à la baisse le montant d’une des émissions obligataires de la holding, capitale pour financer le rachat pour 18 milliards de dollars de CableVision aux Etats–Unis. D’un peu plus de 6 milliards d’euros, la taille de l’opération a été revue à la baisse à 4.5 milliards.

Gestion plus complexe

Ce qui veut dire qu’elle s’annonçait plus coûteuse que prévu, avec des rendements supérieurs à ce qui était envisagé. Tout de suite le marché a interprété l’annonce comme celle d’un désaveu. Surtout à quelques jours d’une grosse augmentation de capital…

Rien de tel pour le moment, dans le sens où l’opération sera juste financée par plus de lignes de crédits classiques. Mais du coup, tout cela sera plus compliqué à transformer en source de levier financier maximum, l’un des secrets du succès des opérations menées par Altice.

Toujours +83% sur un an…

Quelques grains de sable dans les rouages de la machine Altice, pourtant bien huilée, et jusque-là infatigable. Cet avertissement des marchés est à prendre au sérieux, le fort recul du titre en bourse ces derniers jours est un signe important. Mais cela ne doit pas faire oublier la capacité du groupe à rentabiliser ses investissements avec beaucoup d’habileté, ce qui permet au titre Altice en bourse de gagner encore 83% sur les 12 derniers mois…

Antoine Larigaudrie