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Arnaque de Vinci: à qui profite le crime?

L'action Vinci est passée d'environ 60 à 50 euros en quelques minutes mardi, et les volumes d'échanges ont explosé durant le flash crash.

L'action Vinci est passée d'environ 60 à 50 euros en quelques minutes mardi, et les volumes d'échanges ont explosé durant le flash crash. - Daniel Roland - AFP

Le groupe de BTP a été victime d'une incroyable arnaque mardi. Son mode opératoire est inédit, ses conséquences majeures, et elle a tout particulièrement profité à un profil spécifique de spéculateurs. L'Autorité des marchés financiers (AMF) a lancé une enquête.

Journée mouvementée pour Vinci mardi. Le groupe a été victime d'une arnaque qui a provoqué un flash crack de son titre à la Bourse de Paris. En quelques secondes, son action a chuté de presque 20%, avant de se reprendre rapidement quand le marché s'est rendu compte que ce décrochage était dû à une fausse information.

L'identité de Vinci a été usurpée, deux faux communiqués ont été envoyés à la presse, et diffusés par la très sérieuse agence Bloomberg. Le premier annonçait une révision de ses comptes 2015 et le licenciement de son directeur financier. Informations... totalement fausses. Une revendication anonyme a été publiée un peu plus tard, mettant en cause Vinci à propos de ses chantiers au Qatar et à Notre Dame des Landes. Le groupe de BTP, lui, est convaincu d'avoir été victime d'une arnaque boursière. Voici comment elle a pu fonctionner.

L’Autorité des marchés financiers "considère qu’il s’agit d’un grave dysfonctionnement du marché dont elle va s’attacher à déterminer toutes les responsabilités. Il s’agit de diffusion de fausses informations qui conduisent l’AMF à mener des investigations. Il convient également de vérifier qui pourrait en avoir tiré profit via une possible manipulation de cours".

Des effets énormes et immédiats

"Les arnaques boursières sont monnaie courante à l'ère numérique. Mais celle dont ont été victimes les actionnaires de Vinci mardi est inédite. Tant par la sophistication de son mode opératoire que par sa revendication politique", souligne Philippe Mudry, directeur de l'Agefi.

Mais comment se fait-il que la publication successive de deux simples communiqués ait provoqué, en quelques minutes, une telle dégringolade du titre, puis une remontée tout aussi vertigineuse? Les analystes mettent en cause l'automatisation généralisée du trading. "Dès qu'une rumeur circule, tout va très vite, il y a des algorithmes qui enclenchent des programmes, qui enclenchent des stops, qui enclenchent d'autres stops", souligne le trader pour compte propre Jean-Louis Cussac.

Concrètement, ceux qui détiennent des actions ont coutume de se couvrir grâce à des logiciels qui vendent automatiquement les titres dès qu'ils baissent au-delà d'un certain seuil. Des programmes similaires achètent automatiquement au même moment, quand le cours de l'action devient intéressant. Ces modules amplifient de manière exponentielle les variations de cours, et le volume d'échange.

Mardi après-midi, le nombre d'actions échangées est passé de quelques centaines de titres à plus de 500.000 en 10 minutes! "C'est comme un choc systémique: la cotation a été stoppée alors que l'action ne valait plus que 49 euros. Quand elle a repris, quelques minutes plus tard, elle était à 60. C'est une histoire de fou!", souligne Jean-Louis Cussac.

Quel profil d'arnaqueur, pour quel profit?

Ceux qui ont envoyé les faux communiqués de presse maîtrisent parfaitement "l'informatique et les circuits médiatiques", souligne Philippe Mudry. Les messages envoyés, en dépit de quelques tournures maladroites, ressemblent trait pour trait à ceux qu'ont coutume de recevoir les journalistes. Y figurent le nom d'un responsable de la communication et son numéro de téléphone, un lien qui renvoie vers le site officiel (en l'occurrence un faux site, identique au vrai). "Ces communiqués ont été envoyés en anglais et en français aux agences de presse, relayés par un faux porte-parole", souligne Philippe Mudry.

Les auteurs de cette arnaque ont-ils passé des ordres d'achats au moment où l'action commençait à chuter pour les revendre juste après avoir publié le deuxième communiqué, qui a eu pour effet de faire remonter immédiatement l'action? Difficile de répondre pour le moment à cette question. "Il y a bien sûr des acteurs qui ont passé des ordres à ce moment-là, des ordres qui ont été exécutés", reconnaît Jean-Louis Cussac. "Celui qui en a peut-être le plus profité, c'est le client qui s'est positionné lorsque l'action était à 52,53 ou 54 euros, avec une validité pour le mois ou pour l'année", ajoute-t-il. Et parmi les ordres passés, il sera difficile de faire la différence entre clients particuliers qui ont surfé sur le flash crash, et investisseurs "initiés".

Il se pourrait toutefois que les uns comme les autres n'en retirent pas grand-chose. Dans ce genre d'affaire boursière, "souvent, les opérations sont annulées", souligne Guillaume Dard, président de Montpensier Finance. Même si ce ne sera pas facile puisque "la valeur n'est pas exactement revenue à son prix initial, elle a fini légèrement en baisse".

Nina Godart