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Au Moyen-Orient, la première crise qui fait baisser les cours du brut

Manifestations en Iran, incendie de l'ambassade saoudienne, rappels d'ambassadeurs en série... la crise diplomatique entre Arabie Saoudite et Iran, aussi grave soit-elle, n'a aucun impact sur les prix du pétrole. Au contraire.

Manifestations en Iran, incendie de l'ambassade saoudienne, rappels d'ambassadeurs en série... la crise diplomatique entre Arabie Saoudite et Iran, aussi grave soit-elle, n'a aucun impact sur les prix du pétrole. Au contraire. - Atta Kenare - AFP

C’est sans doute une première dans l’histoire de la géopolitique du pétrole: une crise internationale d’ampleur, mettant en scène deux des plus importants pays producteurs de pétrole, contribue à faire baisser un peu plus des prix qui n’en finissent plus de tomber.

Alors que la crise entre Arabie Saoudite et Iran prend un tour régional, avec des rappels d’ambassadeurs et un vrai raidissement des positions, la réaction du marché pétrolier était scrutée de près. Et elle a de quoi surprendre dans le contexte actuel.

Après une brève incursion hier au-dessus de la barrière des 38 dollars, le baril de brut américain est redescendu ce matin sous la barre des 37, avec un plus bas du côté des 36,90! Une réaction paradoxale alors qu’on se retrouve, certes encore loin d’une guerre, mais au moins devant une vraie crise d’ampleur, de nature à faire grimper les prix.

La flambée de la Guerre du Kippour

Que ce soit les deux guerres du Golfe, la guerre Iran-Irak, la guerre du Kippour, la guerre des Six Jours et la crise du Canal de Suez, tous ces événements ont provoqué des hausses de prix, voire des chocs macro-économiques. C’est particulièrement la guerre du Kippour qui est à l’origine du premier choc pétrolier en 1973.

Les pays du Golfe décident à ce moment-là d’augmenter de 70% les tarifs du pétrole exporté vers les pays jugés alliés d’Israël dans ses opérations militaires, et dans son occupation des territoires palestiniens.

Choc sans précédent… et sans successeur 

Une décision spectaculaire qui intervient seulement quelques mois après un autre événement, un pic de production atteint par les grands pétroliers américains, avec une demande intérieure exponentielle.

Ce qui a commencé à provoquer des pénuries de carburant dans le pays. La collision de ces deux événements a provoqué la plus forte hausse des prix du pétrole jamais enregistrée sur un an: de 3 à 12 dollars, du simple au quadruple en 12 mois seulement.

Un contexte de marché surapprovisionné

La crise géopolitique entre Iran et Arabie Saoudite est loin de ressembler pour le moment à un choc de cette ampleur. Elle couvait depuis des années, et explose désormais dans un contexte pétrolier complexe, où les principaux acteurs sont les deux plus gros producteurs du cartel de l’OPEP. À eux deux, ils représentent quasiment le tiers de la production pétrolière mondiale.

Dans la situation actuelle, où le marché croule déjà sous des stocks historiques de pétrole bon marché, même la crise actuelle n’arrive pas à provoquer des tensions sur les prix du brut. Déjà et avant tout à cause du poids du pétrole de schiste américain.

Écouler le brut coûte que coûte

Et ensuite parce que c’est précisément entre Iran et Arabie Saoudite que va se jouer une partie des plus tendues au sein de l’OPEP. Avec l’Iran qui va reprendre ses exportations après des années de sanctions, et qui en a besoin d’urgence, pour faire repartir son économie.

Et de l’autre une Arabie Saoudite qui veut rester maîtresse du jeu, même au prix d’une baisse continue des cours, et d’éventuels problèmes budgétaires, dont souffre le Royaume lui-même ainsi que ses voisins.

Des réductions de production désormais improbables

Mais les tendances et les perspectives d’offre et de demande sont telles que les experts estiment que quelle que soit l’issue de la crise diplomatique actuelle entre les deux pays, tout continue de pointer vers une poursuite de la baisse des cours vers 30-20 dollars.

En effet, aucune réduction de production d’importance n’est envisagée du côté de l’OPEP pour le moment, et toute initiative du genre serait désormais insuffisante pour faire remonter les prix durablement. Reste l’hypothèse, très improbable, d’une action d’importance et concertée de tous les pays OPEP et non-OPEP.

Les tensions actuelles touchant les deux têtes du cartel écartent une telle hypothèse pour un très long moment. Une situation ubuesque qui démontre bien le caractère unique du choc pétrolier que nous traversons actuellement.

Antoine Larigaudrie