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Betterment, une fintech bien armée pour bousculer le monde bancaire

C'est au coeur de Manhattan, à deux pas du Flatiron Building, qu'est née Betterment, une petite start-up qui commence à révolutionner les services financiers.

C'est au coeur de Manhattan, à deux pas du Flatiron Building, qu'est née Betterment, une petite start-up qui commence à révolutionner les services financiers. - Mario Tama - Getty Images North America - AFP

"De ces start-up qui veulent révolutionner le secteur financier, l’Américaine Betterment est sans doute la plus solide et la plus prometteuse. Pour preuve, elle a réussi à lever haut la main encore une centaine de millions de dollars cette semaine pour financer, rationnellement, sa prodigieuse expansion."

Ne l’appelez surtout pas "Licorne". Car le fondateur de Betterment, Jon Stein, souhaite soigneusement éviter cette étiquette pour se consacrer sans pression à son développement économique et à son modèle industriel.

Betterment, fondée il y a à peine 8 ans à New York à côté du célèbre Flatiron Building, est ce qu’on appelle une fintech, société de services financiers non-bancaires, aux coûts d’exploitation et aux tarifs très modérés, grâce au recours intensif à des robo-advisors, des systèmes de gestion entièrement automatisés.

Nouvelles habitudes, nouveaux modèles

Avec 3,5 milliards de dollars d’actifs sous gestion et 140.000 clients, Betterment n’est qu’un tout petit acteur, face aux 74.000 milliards de dollars de l’ensemble de l’industrie mondiale de la gestion d’actifs.

Mais son modèle est rodé et ses perspectives suffisamment attrayantes pour séduire les investisseurs. Et face à une clientèle de plus en plus jeune, qui a pris de nouvelles habitudes de consommation en matière de services bancaires, Betterment possède toutes les qualités pour véritablement commencer à grignoter des parts de marché dans le domaine de la gestion.

Des investisseurs nombreux et affamés

"C’est le côté disruptif de notre modèle qui fait tout son attrait", dit Jon Stein, même si ce terme issu de la novlangue du marketing l’amuse beaucoup. Changer les règles du jeu, chambouler les repères et en créer de nouveaux, c’est un argument-maître pour que les investisseurs y croient. Et ils se bousculent au portillon pour devenir partenaires de Betterment et y injecter des capitaux.

Après avoir déjà levé 205 millions de dollars en quelques mois, dont la moitié rien que la semaine dernière en un tour de table, le groupe est valorisé désormais à hauteur de 700 millions de dollars.

Ebullition autour des fintech

Une frénésie qui prend de drôles de proportions alors que la valorisation de Betterment n’était que de 450 millions lors de la première levée de fonds l’année dernière… Les raisons de ce succès sont multiples. Première explication, le secteur des fintechs, en pleine ébullition.

Tout un segment nouveau d’activité pourrait bien s’installer dans le paysage financier, au détriment d’un secteur bancaire qui soit se transformer et se restructurer, et qui du coup pourrait lui céder des parts de marché.

Tarifs et perspectives imbattables

Les frais et les tarifs planchers des sociétés de gestion qui utilisent de la gestion automatisée sont par nature symboliques, et l’émergence de ce modèle fait grincer des dents du côté des géants bancaires.

De plus, toutes proportions gardées, les premières expériences sont concluantes du côté du marché américain. Et injecter des fonds dans les Fintech maintenant peut permettre une éclosion et une croissance très rapide sur des zones un peu plus résistantes, comme le marché européen.

Être une licorne: avantage ou inconvénient?

Mais voilà. Jon Stein a aussi le souci que sa société et son modèle soient correctement valorisés. Hors de question de devenir une "Licorne". Et en ça, le pari de Betterment est sans doute le plus osé de ces dernières années.

Car le mot "Licorne", très à la mode, devient aussi un statut, et une étiquette marketing maîtresse pour qui veut recruter rapidement des ingénieurs, des spécialistes chevronnés, ou faire entrer au capital de nombreux nouveaux partenaires.

Trouver les bons partenaires

Mais pas de fausse modestie ou de snobisme financier là-dedans: "Je préfère et je fais en sorte de rester en-dessous du milliard de dollars de valorisation, et obtenir les meilleurs accords financiers avec les fonds" explique Jon Stein.

Car le revers de la médaille, mis en lumière par certains banquiers, et même par les autorités boursières américaines, est l’émergence d’un "Business des Licornes", animé par des fonds d’investissement plus intéressés par l’explosion des valorisations, que par le soutien d’un modèle économique sur le long terme.

Une stratégie de développement plus raisonnée et payante pour le moment, puisque Betterment émerge comme le leader des fintech, avec un vrai statut d’exemple à suivre de développement raisonné et rationnel. Une vraie clé de développement dans un secteur encore très expérimental et justement difficile à valoriser.

Antoine Larigaudrie