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Bourse: le retour des déséquilibres

Wall Street aura connu hier sa pire séance depuis début janvier, sur fond de craintes de voir le Dollar devenir trop fort.

Wall Street aura connu hier sa pire séance depuis début janvier, sur fond de craintes de voir le Dollar devenir trop fort. - Spencer Platt - Getty Images North America - AFP

Politiques monétaires pro-actives, mouvements violents sur les taux et les changes, nouvelles inquiétudes autour du pétrole, les marchés boursiers doivent à nouveau lutter à court terme avec la volatilité.

Parfois les investisseurs du marché boursier ont besoin d’être confrontés brutalement à la réalité pour l’intégrer vraiment dans leurs décisions. Depuis quelques jours, le marché a besoin de corriger après une hausse ininterrompue, 6 ans et 100% pour le CAC40 entre autres. Une reprise de souffle technique, salutaire, mais pas forcément dénuée d’inquiétudes fondamentales.

Déjà devoir se faire à des mouvements violents. La plupart étaient largement anticipés, mais arrivent avec une vitesse et une brutalité, qui là, laissent un peu sceptique. Par exemple, finir la semaine passée sur un Euro-Dollar à 1,10-1,11, et se retrouver désormais à 1,06-1,07, à quelques encablures d’une parité un pour un.

La BCE entre concrètement en action

Parallèlement le dollar monte en puissance. Face à l’euro, certes, mais aussi face aux monnaies émergentes, notamment asiatiques. La crainte d’un dollar trop fort a fait chuter la bourse américaine et Wall Street signe sa plus mauvaise séance depuis le début de l’année.

Tout cela est entre autres une des conséquences de la politique de rachats d’actifs de la BCE. Elle est officiellement entrée en action cette semaine en rachetant des obligations d’état pour un montant de 3,4 milliards d’euros dans un premier temps. Beaucoup d’analystes prévoyaient une réaction très modérée, beaucoup des effets recherchés par la BCE étant sensés être déjà inscrits dans les cours.

Les taux en chute libre

Mais la poursuite de la descente des rendements des obligations d’état, dont beaucoup sont désormais dans le domaine du négatif sur les échéances de court terme, se poursuit encore, pour atteindre des niveaux qui laissent pantois sur 10 ans. 0,2% pour le Bund Allemand, la France qui passe sous 0,5% de rendement pour l’OAT… et des écarts qui s’accroissent avec le Royaume Uni à 1,8% et les Etats Unis à 2,1%.

Des rendements aussi bas continuent de provoquer arbitrages et déséquilibres, dans un marché qui apprend à tâtons à faire face à un contexte jamais vu de taux ultra-bas et négatifs. Une vraie expérimentation grandeur nature sensée pousser les investisseurs à acheter des actions. Mission accomplie. Mais la crainte de voir la situation échapper aux banques centrales persiste. Sans compter d’éventuelles conséquences néfastes pour l’ensemble du secteur financier européen.

Environnement sans précédent

On se retrouve avec des investisseurs, capables d’accepter de payer des primes pour racheter de la dette de certains états qui empruntent à taux négatifs. On a une BCE capable de racheter elle aussi ces obligations à un taux légèrement négatif, (-0,2% au maximum), et donc elle aussi de verser des primes pour les reprendre à leurs détenteurs.

Un casse-tête à gérer dans un marché qui, lui, cherche du rendement et à prendre du risque, à travers cet univers aux valeurs complètement chamboulées.

Vers une nouvelle phase de baisse pour le pétrole ?

Quant au pétrole, effet indirect des fluctuations de monnaies et particulièrement du dollar, effets direct de la restructuration de l’appareil de production mondial et des très importants stocks américains, toujours au plus haut depuis 80 ans.

La chute spectaculaire entamée il y a un an a marqué un coup d’arrêt, une stabilisation puis une remontée différenciée (Pétrole Brent en tête), mais à nouveaux des signes de faiblesses montrent qu’on a encore du mal à fixer un juste prix par rapport aux fondamentaux d’offre et de demande.

Les instabilités perdurent

La brusque correction de ces derniers jours jette donc à nouveau le doute. Certains analystes, ceux de Goldman Sachs en tête, estiment que les prix sont bien partis pour redescendre à nouveau, sous les 40 dollars pour le brut léger américain.

Bref un marché qui, même s’il reste archi-convaincu de la hausse des actions, notamment européennes, doit de temps en temps reprendre conscience de l’instabilité immense des fondamentaux autour de lui… sans compter le retour probable de certains autres gros dossiers sur la table, comme la Grèce ou la Russie.

Antoine Larigaudrie