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Ce menu McDonald's à 3,50 euros qui inquiète la Banque du Japon

Pour attirer les clients, les restaurants McDonald's de Tokyo ont passé leur menu de base à 400 yens soit 3,50 euros à l'heure du déjeuner (10h30-14h00).

Pour attirer les clients, les restaurants McDonald's de Tokyo ont passé leur menu de base à 400 yens soit 3,50 euros à l'heure du déjeuner (10h30-14h00). - McDonald's Japan

McDo a réagi à la recrudescence de menus bon marché dans les fast food de Tokyo en proposant au déjeuner un menu à 400 yens soit 3,50 euros. Pour les économistes, c'est la preuve que l'archipel s'enfonce un peu plus dans une dangereuse spirale déflationniste.

C’est bien la première fois que trouver facilement à manger pour pas cher, devient un problème économique d’ampleur. Mais une simple promenade dans les rues de Tokyo suffit pour s’en rendre compte: partout les grandes enseignes cassent leurs prix à l’heure du déjeuner.

Le petit événement de la rentrée, c’est MC Donald’s qui l’a créé, en lançant dans la capitale japonaise l’équivalent de son "Menu First" chez nous: une formule simple, avec un burger et une petite boisson, le tout pour 400 yens (l’équivalent de 3,5 euros). L’offre a tout de suite connu un succès spectaculaire.

Guerre des prix sans merci

"Tout le monde le demande à midi", observe Kokoro Toyama, porte-parole de McDonald's pour la région de Tokyo. "On a vraiment, depuis des mois, une demande croissante de la part des consommateurs pour des menus ou des sandwiches bon marché à midi". Et de rappeler que l’enseigne depuis l’année dernière, propose aussi des offres très bon marché avec un simple hamburger à 200 yens (1,7 euro).

Burger King, le premier concurrent de Mc Donalds, a contre-attaqué rapidement avec un menu complet (burger, petite frite et boisson) pour 490 yens (4,26 euros).

Le retour des nouilles au porc!

Le phénomène touche aussi des institutions locales, et notamment Yoshinoya. Symbole même du casse-croûte traditionnel japonais, la chaîne est spécialiste du bol de nouilles au boeuf, un plat populaire et déjà peu coûteux à la base (300-350 yens soit 2,5 à 3 euros). Mais Yoshinoya propose une version au porc qui coûte 50 yens de moins.

"A l’origine, nous avions proposé cette recette au porc au début des années 2000, après la crise de la vache folle, qui a totalement détourné les consommateurs de la viande de bœuf pendant un certain temps", explique un responsable de Yoshinoya. "Mais là, les nouilles au porc reviennent parce que le consommateur les demande." ajoute-t-il.

Même les chaînes de sushis suivent le mouvement. Kappa Create, l’étalon du secteur, a baissé les prix de ses plateaux-déjeuner dès le printemps dernier, pour faire passer la pièce de sushi sous la barre psychologique des 100 yens à 97 yens (80-85 centimes).

Modèle déflationniste

"Avant, les baisses de prix dans les grandes chaînes de fast-food étaient des décisions de stratégies commerciales. Là, il s’agit de survie." estime Mitsushige Akino, un des dirigeants du fonds Ishiyoshi Asset Management. "Aucune enseigne ne pourra résister si elle ne suit pas les tendances déflationnistes du moment. Les prix vont continuer à baisser et de manière durable." ajoute-t-il.

Hiroshi Miyazaki, économiste à la grande banque japonaise Mitsubishi UFJ, est du même avis: "En plus, avec la baisse des coûts du crédit et de l’énergie, les grandes chaînes ont toute latitude pour faire baisser leurs prix et séduire le consommateur".

Etat d’esprit très ancré

Cette tendance est le reflet de la déflation générale qui affecte l'économie du pays. Les prix à la consommation ont baissé de 0,5% sur un an en juillet, la plus forte baisse des prix depuis trois ans. Et de l’avis général, revenir à un rythme annuel de +2% fin 2018, comme l’espère la Banque Centrale Japonaise, semble totalement hors de portée, alors qu’elle mène elle-même une politique monétaire qui a comme effet secondaire une pression sans précédent sur les prix.

"Il va falloir que la Banque du Japon donne des signaux fort pour que le consommateur japonais sorte d’un vrai état d’esprit déflationniste profondément ancré désormais", pense Hiroshi Miyazaki de Mitsubishi UFJ.

Stagnation des revenus

Les conséquences de cette politique monétaire menée par l’institution est résumée par ce commentaire de Kazuomi Nishiki, agent immobilier à Tokyo: "400 yens le repas c’est vraiment un bon prix qui arrange tout le monde". Et d'ajouter: "Certes, la Banque du Japon a bien travaillé, depuis le début de sa politique monétaire le prix des actions a doublé. Mais nos revenus, eux, n’ont pas évolué." Les Japonais vont donc sans doute eux-mêmes, encore un long moment, alimenter ce mouvement de déflation qui fait souffrir leur économie… à grand renfort de casse-croûte bon marché.

Antoine Larigaudrie