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Ces prodigieux disques de verre qui devraient révolutionner le numérique

Les data centers géants resteront-ils longtemps le modèle dominant du stockage numérique ? Des universitaires britanniques viennent de faire une découverte qui pourrait changer radicalement la donne.

Les data centers géants resteront-ils longtemps le modèle dominant du stockage numérique ? Des universitaires britanniques viennent de faire une découverte qui pourrait changer radicalement la donne. - Martin Bureau - AFP

L’université britannique de Southampton ont mis au point un nouveau procédé de stockage des données numériques utilisant des cristaux de verre. Les données pourraient être ainsi conservées pendant plusieurs milliards d’années.

C’est un petit prodige qu’ont réalisé des chercheurs de l'université de Southampton: stocker une version numérisée et intégrale de la Bible… dans un disque de verre miniature, pas plus gros qu’une pièce de monnaie. Ils ont même réussi à renouveler l’exploit avec la Déclaration Universelle des droits de l’homme.

Mais si leur expérience passe au stade industriel, il y a de quoi changer radicalement la face du monde numérique, tant il pourrait être source d’économie de place et d’énergie en termes de stockage de l’information.

Un enjeu majeur pour les années à venir, qui vont être dominées par la poursuite et l’accélération de la croissance du marché du "Cloud". Et où la donnée, le data, est une matière première qu’il faut raffiner au mieux. Le procédé mis au point par ces chercheurs est complexe, mais il garantit une parfaite conservation des données.

Il s’agit de graver des données numérisées par rayon laser, à l’intérieur d’une petite quantité de quartz fondu. Le procédé permet de créer à l’intérieur des nano-structures qui vont contenir les informations.

Vers une "vitrification" de l’information

Ces nano-structures répondent à une logique en 5 dimensions: longueur, hauteur, largeur, orientation et position. C’est d’ailleurs cette spécificité qui a donné son nom à cette nouvelle technologie, baptisée 5D. Ensuite, le quartz gravé est figé dans un verre spécial. La réfraction de la lumière au travers va être modifiée, ce qui va permettre aux données d’être disponibles via leur décryptage par un lecteur optique spécifique.

Un procédé complexe, mais qui permet de stocker de grandes quantités d’information dans un minimum de place, et surtout sans nécessité d’avoir recours à de grandes quantités d’énergie pour la conserver, vu que l’information est "fossilisée" sur son support.

Elle est simplement stockée de manière passive, mais tout à fait fiable, et rendue disponible via sa consultation à la demande via lecteur optique et transmission via les canaux habituels, internet et autres.

3.000 disques durs de PC dans une pièce de monnaie

Au final chaque petit disque pourra contenir 360 terabytes (2.880 teraoctets) d’information, l’équivalent de la capacité de stockage de près de 3.000 disques durs de PC de bureau… ou 22.500 iPhones !

En tout cas, la qualité de conservation des données par la technologie 5D est exceptionnelle: les scientifiques de Southampton l’estiment à 2 milliards d’années. Durée toute théorique. Mais les auteurs de l’expérience peuvent sans prendre trop de risques assurer qu’elle surpasse tout support existant, même les plus performants.

Et surtout, si le procédé est fiabilisé et rendu opérationnel, il pourrait changer totalement la manière de stocker des données, et ainsi le business model de l’industrie du numérique.

Car encore une fois, avec les technologies actuelles, la transformation des données, leur conservation et leur consultation demande de très grandes quantités d’énergie.

Fini le problème de la conservation

Avec la 5D, on va certes dépenser beaucoup d’énergie pour graver l’information, puisque le rayon laser, pur concentré de lumière, demande énormément d’énergie pour fonctionner et faire son travail de gravure.

Il faut faire chauffer le quartz (de 587°C à plus de 1700°C selon la forme dont on a besoin), et prendre en compte aussi l’énergie nécessaire au fonctionnement du lecteur optique qui va consulter et transmettre les données.

Mais dans l’intervalle, aucun besoin d’énergie spécifique pour conserver les données, ce qui constitue l’essentiel de l’équation énergétique de l’informatique dématérialisée. Les data centers et leurs serveurs sont particulièrement gourmands en électricité, malgré toutes les innovations mises au point pour réduire leur appétit.

On est donc bien peut-être à l’aube d’une révolution, surtout si l’expérience de Southampton et la 5D prennent une dimension industrielle. Et les scientifiques sont déjà en contact avec des partenaires du secteur pour étudier la faisabilité et les retombées potentiels de cette extraordinaire technologie.

Antoine Larigaudrie