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Cet incroyable autodidacte a été pianiste, ingénieur pour finir trader

Larry Richards a fait preuve d'incroyables capacités à apprendre

Larry Richards a fait preuve d'incroyables capacités à apprendre - Gammon Capital

Parti vivre au Japon à la fin des années 80, Larry Richards a abandonné sa carrière musicale pour travailler dans la téléphonie mobile, avant de créer une start-up qu'il a ensuite revendue à un fonds d'investissement. Récit du parcours hors norme d'un homme qui a beaucoup appris sur le tas.

Le moins que l'on puisse dire c'est que Larry Richards sort des sentiers battus. Né en 1963, ce pianiste de formation (de par ses études) a changé plusieurs fois de vie et de métier grâce à de formidables qualités d'autodidacte.

À la base, ce grand amateur de jazz a étudié le piano à l'University of North Texas. En 1988, il va prendre le premier grand tournant de sa vie. Il décroche une bourse pour aller étudier au Japon. Il rédigera au pays du soleil levant un mémoire sur l'histoire du jazz japonais pré-seconde guerre mondiale qu'il achève en 1992. Entre temps, il enseigne, joue dans des concerts et, surtout, rencontre sa femme. Logiquement, il décide de rester vivre au Japon. En l'espace de quelques années, il devient bilingue, lui qui n'a pris que six mois de cours, certes intensifs, entre 1988 et 1989.

Mais rapidement, Larry Richards décide d'arrêter la musique. "Si j'avais dû poursuivre une carrière de musicien, j'aurais continué à jouer dans des mariages et des Bar Mitzvah pour 100 dollars la nuit", indique-t-il à Bloomberg. "Je me suis dit qu'il valait mieux pratiquer la musique comme hobby plutôt que d'en faire un métier", explique-t-il, par ailleurs, à BFMbusiness.com.

Compétences cachées

Commence alors sa première reconversion. Larry Richards va devenir ingénieur télécoms au Japon. "En 1994, la pénétration du téléphone mobile dans le pays était alors inférieure à 1%. C'était une super période pour faire avancer sa carrière", souligne-t-il. Les entreprises locales cherchent des personnes motivées, et surtout bilingues. Deux critères que remplit l'Américain. Mais pas seulement. Larry Richards a des compétences cachées en matière de code informatique.

Là encore, il avait appris sur le tas. "Lorsque j'étais lycéen, j'avais un job à temps partiel en tant que dessinateur industriel dans une entreprise de pompes. Après le travail, j'avais le droit de rester et d'utiliser leurs traceurs et leurs ordinateurs. Pour moi c'était les meilleurs terrains de jeu possibles. L'un des programmeurs m'avait appris à utiliser le langage HPL pour contrôler les traceurs, alors je ne pouvais plus m'arrêter. J'ai toujours été un programmeur autodidacte", raconte-t-il.

À partir du milieu des années 90, l'Américain va travailler pour plusieurs grandes sociétés (Ericsson, Nec puis Alcatel-Lucent) où il se chargera notamment de développer des infrastructures sans fil ainsi que des algorithmes. Mais au bout d'une quinzaine d'années, il se lasse. "Après 2005, la dynamique a ralenti (surtout au Japon pour Alcatel-Lucent à l'époque), il n'y avait plus vraiment de challenge. J'ai toujours aimé relever des défis et résoudre de nouveaux problèmes, mais il n'y en avait plus aucun. En même temps, je lisais de plus en plus sur la science du trading", justifie-t-il.

Trading d'options

En effet, Larry Richards commence à s'intéresser de près à la finance. Il cherche alors à trouver les meilleurs moyens de faire fructifier son épargne pour sa retraite. Il lit de plus en plus. "Au final, cela m'a dirigé vers la finance quantitative et les produits dérivés (des instruments financiers complexes, ndlr), que j'ai trouvé fascinants", affirme-t-il.

Finalement, en 2010, l'Américain décide de quitter Alcatel-Lucent et de partir en semi-retraite pour se consacrer à sa nouvelle passion: les options, des produits financiers dérivés d'autres plus classiques, qui sont risqués mais plus rémunérateurs.

Il suit des cours de trading dans une école en ligne développée par Dan Sheridan, un ex-animateur de marché sur le CBOE (la Bourse de Chicago spécialisée dans les produits dérivés) pendant deux ans. À la suite de cet apprentissage, il est convaincu que les outils en ligne dont disposent les particuliers sont trop complexes et, surtout, insuffisamment développés. Il a alors l'idée de créer, avec quelques associés, une start-up qui fournit des instruments plus appropriés pour les traders particuliers.

Happy end entrepreneuriale

En gros, la technologie mise au point par Larry Richards et ses algorithmes perfectionnés leur permet de tester plus efficacement leurs stratégies et leurs modèles de prévision à l'aide de données historiques. Iota Technologies naît alors fin 2011. "Nous pensions être capables de générer d'importants profits en vendant des licences d'utilisation de nos logiciels aux traders d'options", glisse Larry Richards. "Lever des fonds a été dur, le marketing aussi. Développer notre produit n'a pas été simple, mais amusant", ajoute-t-il.

L'aventure entrepreneuriale prend néanmoins fin en mars 2016. Il s'agit toutefois d'une "happy end": le fonds d'investissement new-yorkais Gammon capital décide de racheter la start-up pour pouvoir être l'unique bénéficiaire de son apport technologique. Larry Richards devient le directeur technique (CTO) du fonds. Selon les chiffres communiqués par son fondateur, Michael Mescher, Gammon capital a, depuis l'incorporation de la technologie de Larry Richards, presque doublé sa rentabilité brute annualisée (de 23,9 à 40,3%).

Passion et persévérance

Au final, le parcours de Larry Richards repose beaucoup sur ses facultés à apprendre. Tout le monde arriverait-il à accomplir ce qu'il a accompli?

"Je pense que chacun a ses forces et ses capacités naturelles. Ma capacité naturelle, qui semble être inhabituelle, est de pouvoir gérer une équipe de R&D dispersée dans différentes zones géographiques et fuseaux horaires. Il a fallu que d'autres personnes me le fassent remarquer pour que je m'en rende compte. Je pense que les aspects les plus importants de la réussite sont la passion et la persévérance", répond-il.

Quant à savoir ce qui est le plus dur à apprendre entre le piano, le code informatique, le trading ou le Japonais, l'autodidacte considère qu'il n'y a pas vraiment de réponse. Mais en donne quand même une: "Supposons que je veuille jouer du piano comme Michel Petrucciani, Maurizio Pollini ou Vladimir Horowitz, je pense que cela serait impossible. Je ne considère même pas que je puisse, un jour, approcher le niveau de ces artistes. J'imagine donc que je dois dire que le piano est ce qu'il y a de plus dur".