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Cet indice boursier qui prétend prévoir… l’imprévisible !

Calculer la probabilité d'un évènement totalement inattendu... c'est tout l'objet d'étude de l'indice SKEW, de la Bourse de Chicago, très en vogue chez les traders en ce moment.

Calculer la probabilité d'un évènement totalement inattendu... c'est tout l'objet d'étude de l'indice SKEW, de la Bourse de Chicago, très en vogue chez les traders en ce moment. - Spencer Platt - Getty Images North America - AFP

Plus haut historique hier pour l’indice SKEW de la Bourse de Chicago. Mais quel est ce mystérieux indice? Un instrument financier censé mesurer la probabilité qu’une catastrophe imprévue survienne, rien de moins ! Un indice qui avait tendance à faire sourire, mais qui commence à être pris au sérieux.

Le monde boursier a décidément une réponse à tous les problèmes. L’indice SKEW de Chicago a touché hier un niveau jamais atteint depuis qu’il a été lancé en 1990. Son surnom? Le "Black Swan Index" du nom de ces fameux "Cygnes Noirs" théorisés par le Professeur Nassim Nicolas Taleb, ces événements totalement imprévisibles de nature à déstabiliser totalement les marchés financiers.

Techniquement, il fonctionne en se basant sur l’indice large de Wall Street, le S&P500. Il va mesurer et faire la moyenne des options et des paris les plus extrêmes sur une période de temps donnée, afin de déterminer le moment où l’écart est le plus important entre niveaux d’achat et niveau de vente.

L’autre "baromètre de la peur" 

En clair, plus il est élevé, plus cela signifie que les investisseurs prennent position en anticipant soit une chute totalement incontrôlée, soit une très forte montée, mais dont les niveaux dans les deux cas dépassent tout standard ou tout modèle classique de marché.

Et cet indice n’est certainement pas là pour amuser la galerie. Les investisseurs l’achètent pour se couvrir contre ce genre d’événements totalement imprévisibles. Un peu comme ils peuvent aussi couvrir leurs positions avec l’indice VIX, lui aussi côté à Chicago, et qui permet de protéger ses investissements contre la volatilité, les écarts de cours trop forts.

+30% depuis septembre!

L’indice SKEW n’est pas une méthode infaillible pour prévoir à l’avance un événement qui est par nature totalement imprévisible, mais tente de mesurer au plus juste les périodes de marché où ils ont mathématiquement le plus de chance de se produire.

Et il apparaît que la période actuelle est sans doute, pour les investisseurs, la plus propice de l’histoire financière de ces 30 dernières années en matière de "Cygne Noir". Depuis le début du mois de septembre l’indice SKEW ne fait que grimper, et prend 30%. D’ailleurs, sans raison apparente, il a pris 10% sur la seule séance de lundi dernier.

Vers la pire de toutes les catastrophes?

Si on suit les données historiques, on est bien au-delà des niveaux que cet indice avait atteint en 2006, quand la crise de subprimes a frappé, et en 1998 lors de la faillite du fonds LTCM, qui avait obligé la FED à intervenir pour éviter une explosion en règle de l’ensemble du système financier mondial.

Est-on actuellement dans une configuration de marché qui justifie la crainte d’une catastrophe imminente, et visiblement d’une ampleur qui dépasse tout ce qu’on a connu jusque-là en la matière ? Sur le papier oui. Puisqu’on est encore une fois dans un contexte macro-économique extrêmement fragile, dominé par des politiques proactives des grandes banques centrales qui ont un caractère totalement expérimental et jamais vu.

Les banques centrales et la Chine comme ingrédients principaux

A tel point que de l’avis général, si la croissance mondiale reste encore faible et que l’inflation ne réapparaît pas à moyen terme, on sera sans doute arrivé aux limites de ce que les institutions financières peuvent faire pour soutenir l’économie. Donc… plus de solutions.

Contexte fragilisé aussi par la hausse folle et irrationnelle qui a propulsé la Bourse chinoise vers des sommets hors de toute proportion, ce qui a occasionné une dégringolade tout aussi folle au cours du mois d’août, déstabilisant l’ensemble des marchés mondiaux. Un évènement pas forcément imprévisible, mais d’une ampleur tout à fait exceptionnelle.

Quand l’exceptionnel devient habituel

Et l’abondance de phénomènes exceptionnels précis dans ce contexte fait monter la pression, tout comme le risque qu’une catastrophe soudaine ne démolisse totalement la sphère financière. Les investisseurs se sont habitués aux événements extraordinaires. Ils ont vu Lehman Brothers faire faillite. Et le marché s’en relever, même avec difficulté.

Ils ont vu des états souverains mis en défaut sur leur dette souveraine. Ils ont vu la Grèce passer à deux doigts d’un événement totalement inimaginable, la sortie d’un pays de la zone euro. Bien avant cela, les marchés ont assisté, hébétés, aux attentats du 11 septembre 2001. Bref, les boursiers se sont habitués à l’inédit.

Volatilité et risques difficiles à évaluer

Et ceci se modélise, se théorise, sert de base à des scénarios de marché tout à fait rationnels, même s’ils sont spectaculaires. Mais le résultat de tout cela, c’est également une grande difficulté sur les marchés à donner un prix précis au risque, et à traduire la volatilité réelle des actifs financiers.

Cela explique en grande partie que l’indice VIX, le baromètre de la volatilité, soit désormais utilisé de manière impropre, comme un actif lambda, à acheter quand les marchés sont turbulents, et spécifiquement à la baisse, et à vendre quand les marchés remontent. Alors que le risque de volatilité est toujours présent.

Le "Cygne Noir" guette…

Et il est donc logique dans cet environnement un peu flou qu’on veuille se prémunir contre une catastrophe inattendue, guerre, attentat majeur, grosse faillite, explosion en vol d’une banque ou d’un maillon du circuit mondial de financement, bug boursier d'ampleur, épidémie mondiale…

Mais de fait, voir cet indice des "Cygnes Noirs" atteindre des sommets historiques dans le contexte actuel est alarmant quant à l’état d’esprit des investisseurs, et des perspectives de marché générales.

Antoine Larigaudrie