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Cette seconde en plus qui fait trembler les marchés boursiers

Cette simple seconde de décalage sur le temps universel pourrait bien ressembler à une casse-tête pour bon nombre de traders américains et asiatiques

Cette simple seconde de décalage sur le temps universel pourrait bien ressembler à une casse-tête pour bon nombre de traders américains et asiatiques - John Moore - Getty Images North America - AFP

Ce mardi 30 juin, à 23h59 (GMT), le temps universel va balbutier d’une toute petite seconde pour recaler les horloges sur la rotation de la terre. Un ajustement infime mais à l'heure du trading à haute fréquence, l’ensemble des marchés financiers appréhende avec fébrilité.

Une seconde pour rien ou une seconde de chaos? Beaucoup d’opérateurs de marché se demandent ce que va donner cet ajustement temporel de la fin du mois. Et craignant une sorte de bug de l’an 2000 bis (bug qui n’a d’ailleurs jamais eu lieu), beaucoup en sont à faire vérifier toute leur informatique de trading.

Officiellement, il s’agit juste d’un "Double Check", histoire de voir si les ordinateurs vont arriver à "digérer" cette seconde intercalaire. Mais dans un marché où le trading haute fréquence prend de plus en plus de poids, où tout est automatisé, et où l’on a établi récemment de nouveaux records de vitesse et de quantité d’ordres de bourse (834 différents en une milliseconde seulement à Wall Street le mois dernier!), on a légitimement de quoi y regarder à deux fois.

Une première en semaine

D’autant plus que pour la première fois depuis 1997, tout cela va avoir lieu en semaine, dans la nuit d’un lundi à un mardi, au moment où d’un côté on a la séance after-hours de Wall Street (l’après-séance, où les traders remplissent leurs carnets d’ordre pour préparer la séance du lendemain, mais hors cotations), et de l’autre le début de la séance sur les marchés asiatiques, et notamment Tokyo, Shanghaï et Hong Kong.

La première crainte est de voir les plates-formes de trading se bloquer, étant dans l'impossibilité d'interpréter cet intercalage pourtant infime. De quoi laisser en plan des carnets d’ordre en train de se remplir, et provoquer dans la foulée un bouchon généralisé.

Le spectre du Flash Crash

L’autre grande crainte est de voir tout cela dégénérer en accumulation d’ordres erronés, aussi bien sur les actions, les indices, que les taux ou les changes, voire les matières premières qui généralement commencent à s’activer à ce moment-là du côté du marché de Singapour notamment. Avec comme conséquence un Flash-Krach, du nom de cet incroyable panique de marché qui avait provoqué une chute vertigineuse des indices américains en mai 2010 (jusqu’à -10% pour le Dow Jones), mais qui s’était terminée sans dommage réel.

Car l’évolution vertigineuse des techniques de trading robotisées à très grande vitesse provoque déjà un grand nombre d’anomalies de marché au quotidien, certains profitant de la vitesse pour passer avant tout le monde, d’autres s’en servant pour provoquer des erreurs et des déséquilibres sur lesquels ils vont pouvoir jouer.

"Beaucoup de bruit pour rien"?

Des quantités croissantes d’entreprises, via leurs actions, de produits financiers tels que les options ou autres, en sont victimes chaque jour. Qu’est-ce que cela pourrait donner dans un marché perturbé par ce décalage temporel, aussi infime fut-il?

"Beaucoup de bruit pour rien", assure Steve Allen, un ingénieur informaticien de l’Université de Californie, qui estime que beaucoup se "torturent sur le sujet pour pas grand-chose", même s’il reconnaît que le risque est "mathématiquement plus elevé de voir des erreurs et des bugs survenir".

Supervision et tests de simulation

La CFTC, l’autorité américaine qui supervise notamment les marchés d’options et de produits dérivés, se dit aussi relativement sereine mais vigilante. "Nous devons bien vérifier que tous les intervenants sont préparés", communiquent les responsables.

Beaucoup de fonds d’investissement et de sociétés de courtage tiennent en ce moment des réunions d’information et de coordination pour bien préparer tout cela, certains tentant même de simuler et de modéliser le phénomène. Le tout en relation avec les autorités de marché.

Se préparer pour se protéger... ou en profiter !

Lors du dernier intercalage d’une seconde sur le temps terrestre, en 2012, quelques sites commerciaux de grandes entreprises avaient connu des bugs, comme ceux de la compagnie aérienne australienne Qantas, Yelp ou LinkedIn.

Cette nuit du 30 juin sera donc cette fois un test pour les marchés boursiers lors d’une heure critique, et même si globalement tout le monde garde son calme, on a deux types de comportements réels, certains qui se préparent au pire "au cas où"…. Et d’autres qui peaufinent leurs stratégies pour éventuellement en profiter !

Antoine Larigaudrie