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La Bourse de Chicago bien partie pour devenir chinoise 

En novembre 2014, les bourses de Shanghai et de Hong Kong était reliées par le système Connect. Va-t-on vers une initiative similaire entre Shanghai et ... Chicago ?

En novembre 2014, les bourses de Shanghai et de Hong Kong était reliées par le système Connect. Va-t-on vers une initiative similaire entre Shanghai et ... Chicago ? - Philippe Lopez - AFP

Stupeur du côté du monde boursier américain. La Bourse de Chicago est en négociations pour se faire racheter par un groupe chinois méconnu... Si l’opération se fait, elle constituera la première offensive chinoise sur une bourse étrangère.

"Aucun lien avec le monde boursier américain, encore moins avec Chicago, on ne sait pas d’où sont ces gens, du coup personne n’a rien compris !" s’émeut un responsable de l’OTC de New York, plate-forme de transaction boursière réputée, et en lien direct avec la Bourse de Chicago.

Car il faut être clair, cette transaction ne concerne pas le Chicago Mercantile Exchange, l’énorme bourse américaine des options, où sont traités la majeure partie des produits dérivés d’actions ou d’indices, dont le fameux indice de volatilité VIX, le "Baromètre de la Peur" !

La "Vieille Dame" de Chicago

Il s’agit du Chicago Stock Exchange, une vieille dame de 134 ans, à vocation locale où s’introduisent une majorité de PME de la région Michigan/Illinois, région-clé du tissus industriel américain. Une entité relativement modeste, valorisée à 100 millions de dollars par cette transaction. C’est même la plus petite bourse américaine.

Et au fur et à mesure de son histoire, elle s’est retrouvée en marge des développements et regroupements du secteur des places boursières, plus préoccupé par les fusions internationales et même intercontinentales, auxquelles ont participé notamment Amex, ICE et NYSE, et même Euronext il y a quelques années.

Partenaire des grandes banques d’affaires

Mais les bourses régionales sont restées dans l’ombre, et ont plutôt été le théâtre de manœuvres autour du secteur bancaire, avide d’alliance pour développer ses propres plates-formes de transactions. C’est ainsi que la Bourse de Chicago a accueilli à son capital ETrade, spécialiste du courtage en ligne, mais aussi JPMorgan, Bank of America ou encore Goldman Sachs.

Mais que vient faire le groupe Chongqing Casin là-dedans? Officiellement, il s’agit d’un fonds d’investissement privé chinois comme il en existe beaucoup, qui agissent un peu comme des poissons-pilotes pour l’Etat chinois afin de tester à l’étranger les opportunités d’investissement dans certains secteurs.

Un fonds colossal

Mais Chongqing Casin est avant tout un fonds d’investissement dans l’immobilier et différents secteurs, dont l’assurance notamment, qui n’ont à priori pas grand-chose à voir directement avec les marchés boursiers. Et d’ailleurs le montant de la transaction pour racheter la bourse de Chicago n’est qu’un épiphénomène au sein des montants colossaux dont est capable le fonds.

Il a déjà lancé pour 70 milliards de dollars d’opérations seulement depuis le début de l’année, après avoir déjà bouclé un montant record de 123 milliards de "deals" l’année dernière! Autant dire qu’un nouveau sommet historique sera atteint en 2016.

La stratégie du "Porteur de Torche"

Chongqing Casin n'a pas vraiment détaillé les raisons qui l'ont conduit à souhaiter s'offrir la plus petite Bourse des Etats-Unis. L'un de ses principaux responsables, célèbre pour avoir été l’un des porteurs de la Torche Olympique lors des JO de Pékin il y a 7 ans, a seulement affirmer "pleinement soutenir les initiatives de business et de croissance de la bourse de Chicago". Et ajouté: "Nous voulons nous servir de cette opération à la fois pour développer les marchés actions en Chine, et aussi faire profiter les investisseurs américains des opportunités de croissance des entreprises chinoises."

Un plan pour le moins sommaire, mais qui n’a pas refroidi les actionnaires de la Bourse de Chicago, qui vont tous apporter leurs actions à l’offre de Chongqing Casin.

Vers une interconnexion Shanghai-Chicago ?

Car pour les observateurs, outre les surprises parfois inattendues dont sont capables les investisseurs chinois, l’unique but est de pénétrer ainsi le marché actions américain au sens large, de bénéficier d’une tête de pont sur ce marché qui brasse 22.000 milliards de dollars de liquidités…

Pouvoir y faire coter des entreprises chinoises, et offrir à certaines entreprises américaines cotées à Chicago l’opportunité d’une porte ouverte sur les investisseurs chinois est une perspective séduisante. Et la taille relativement réduite de cette opération pourrait constituer un excellent banc-test.

Obstacles majeurs à surmonter

Surtout si on imagine un système de cotations partagées, comme le système Connect qui existe déjà entre les bourses de Shanghai, Shenzhen et Hong Kong. Tout cela relève pour l’instant d’une hypothèse de travail, mais imaginer cette passerelle entre Chine et Etats-Unis en séduit plus d’un.

Restent deux inconnues majeures: les investisseurs chinois pourront-ils se mettre en conformité avec les règles de transparence américaines ? Et l’opération recevra-t-elle l’aval de la puissante Commission Américaine des Investissements Etrangers (CFIUS), qui a bloqué plus d’une initiative, notamment dans le domaine des infrastructures? Cette première incursion chinoise sera donc à suivre de près.

Antoine Larigaudrie