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    Comment le "FifaGate" secoue l'économie du Qatar

Forte volatilité et inquiétudes pour les secteurs du BTP et des infrastructures, l'impact éventuel d'une annulation de la Coupe du Monde 2022 au Qatar pèse sur la Bourse de Doha

Forte volatilité et inquiétudes pour les secteurs du BTP et des infrastructures, l'impact éventuel d'une annulation de la Coupe du Monde 2022 au Qatar pèse sur la Bourse de Doha - Karim Jaafar

Jusqu'à 6% de perdus en deux jours, et de lourdes interrogations à la Bourse de Doha : quelles conséquences économiques et financières à prévoir pour le Qatar si jamais la Coupe du Monde de Football 2022 lui est retirée ? Une épée de Damoclès qui pèse sur l’ensemble de l’économie du pays.

Des indices sous pression, et des secteurs du BTP, de l’immobilier, des télécommunications et de la banque qui signent parmi les plus fortes baisses du moment. C’est toujours l’incertitude quant à l’avenir de cette Coupe du Monde 2022, que le pays voulait organiser comme une célébration de son passage d’une économie du "Tout Pétrole" à une économie diversifiée, couronnant aussi les gros investissements du pays dans le foot mondial depuis des années.

Le pays a misé gros sur l’événement: 200 milliards de dollars au total, soit plus d’une année de son produit intérieur brut. Et le programme énorme est mené tambour battant, neuf stades de plus de 40.000 places à construire, agrandissement pour trois déjà construits, investissements de masse pour renforcer les réseaux télécoms, les routes et les transports.

Gros dégagements boursiers

Investissements colossaux aussi pour s’adapter aux conditions climatiques particulières: outre le fait que la compétition va être décalée aux mois les moins chauds de l’année, le Qatar est également en train de renforcer tous les dispositifs de climatisation et de désalinisation de l’eau de mer pour faire face à l’arrivé des sportifs et des touristes.

Résultat, toutes les entreprises concernées de près ou de loin subissent de gros dégagements en bourse. La holding financière Edzan, spécialisé dans les finances et la construction, subit les plus fortes pertes du moment.

Evaluation difficile

Car il est évident qu’une éventuelle décision privant le Qatar de sa Coupe du Monde provoquerait des pertes sèches énormes vu la taille des investissements. Et dans ce chantier en plein travail, on a un peu de mal à appréhender avec précision la force d’ l’impact potentiel.

La banque d’affaires Bank Of America Merrill Lynch chiffre à 16 milliards de dollars les éventuelles conséquences d’une annulation de la Coupe au Qatar. Mais Crédit Suisse va nettement plus loin et estime que cela pourrait se traduire par une baisse de 20% de la bourse du pays, ce qui chiffrerait pour le coup l’impact à plusieurs dizaines, voire une centaine de milliards.

Une économie à toute épreuve

Malgré cela, sur un terme un peu plus long, l’Emirat n’a pas d’inquiétudes à avoir. Son économie a les moyens de résister à de véritables cataclysmes. Elle a réussi en particulier à se relever de deux krachs successifs après explosion de deux bulles immobilières, dont l’une l’année dernière. Elle a également sans aucun problème surmonté la dégringolade des prix du pétrole l’année dernière, alors que les revenus de l’Emirat issus de la production d'hydrocarbures et des industries liées, notamment la chimie, constituent toujours 80% de son PIB.

L’immobilier, une nouvelle matière première

Mais encore une fois, cette Coupe 2022 devait célébrer l’entrée en phase II de l’économie Qatarie. Le pays tire de plus en plus bénéfice de sa diversification dans l’industrie financière, le tourisme, la culture, et la high-tech.

Sans compter l’immobilier, devenu une sorte de nouvelle matière première pour l'Emirat, véritable aimant à investissements pour les masses de capitaux issus de l’ensemble des pays musulmans. C’est un hub d’investissement islamique majeur, qui est devenu capital pour le secteur de la construction. 

En définitive, devoir renoncer au Mondial ne serait pas un drame pour le Qatar, mais sans doute une énorme vitrine économique qui se refermerait pour le pays, avec des conséquences de long terme assez imprévisibles en matière d’investissements étrangers.

Antoine Larigaudrie