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Comment un trader de Wall Street a gagné 2,4 millions de dollars grâce à un tweet

Un spectaculaire coup de bourse d'une rapidité phénoménale, qui laisse énormément de traders sceptiques à New York.

Un spectaculaire coup de bourse d'une rapidité phénoménale, qui laisse énormément de traders sceptiques à New York. - Spencer Platt - Getty Images North America - AFP

Un petit coup de trading haute fréquence, un peu de savoir-faire sur les réseaux sociaux, et l’affaire était réglée. Ce "raid" boursier, qui alimente les rumeurs depuis vendredi dernier du côté de Wall Street, n’est pas sans faire réfléchir toute la communauté financière sur les stratégies boursières de court terme.

C’est un des plus jolis coups de bourse de ces derniers mois sur les marchés américains, et il suscite à la fois admiration et scepticisme. Il a eu lieu vendredi dernier et l’opération aura duré 30 minutes au total, mais ce n’est qu’en quelques secondes que les gains ont été engrangés et sécurisés.

Tout part d’un tweet du Wall Street Journal en fin de semaine dernière, évoquant des discussions entre Intel, le géant mondial des micro-processeurs, et Altera, un spécialiste des composants télécom. Il était même fait mention d’un montant théorique de l’opération, à 10 milliards de dollars.

Rapidité foudroyante

Progressivement la rumeur se propage dans les salles de marché, tous les traders de Wall Street étant évidemment branchés sur les réseaux sociaux en permanence. Et en quelques minutes le cours d’Altera a explosé, tout le monde a pris le train en marche, à tel point que le titre a dû être suspendu. A la reprise des cotations une dizaine de minutes après, il prenait quasiment 30%. Jusque-là, rien que du très classique.

Maintenant, il convient de regarder l’action au ralenti, comme au football. Car c’est en plein milieu des termes "progressivement" et "en quelques minutes" que va se situer l’action. Elle se passe en deux temps.

Timing plus que parfait

Elle démarre quelques secondes, voire moins, juste après le tweet du Wall Street Journal. A ce moment, plusieurs milliers d’options à très bas prix sont passées autour du titre Altera. La position globale n’est pas monstrueuse, 110.000 dollars au total, avec un objectif de prix calé d’avance.

Là-dessus la nouvelle se repend progressivement à Wall Street et tous les traders achètent. Tout cela fait monter déjà très sensiblement le cours des options. Intervient ensuite la suspension de cotation, puis la reprise à +28%, arrivant quasiment pile sur l’objectif de cours. En faisant le compte de la prise de position, de son exécution, et de la prise des bénéfices, on arrive à une action qui dure 30 secondes, et qui se sera soldée par un profit de 2.4 millions de dollars. Une performance spectaculaire et sans doute un record en la matière en si peu de temps.

Délit d’initié ou ultime sophistication?

Après avoir disséqué l’action vient le temps des questions. Car nombre d’observateurs (non sans peut-être un peu de jalousie…) disent qu’un tel degré de rapidité, d’ampleur et de précision, prouve bien qu’il y a un "truc".

Un délit d’initié ? Toujours possible, mais peu productif, car toujours tracés avec de plus en plus de précision par les autorités boursières. Mais déjà, comme l’opération est articulée en 2 temps, on peut élaborer un scénario précis.

Faire le tri sur les réseaux sociaux

Déjà le timing. On a forcément affaire à un opérateur qui connait parfaitement Twitter, qui suit scrupuleusement sa TL et qui est capable de trier le bon grain de l’ivraie au milieu de la quantité faramineuse d’informations intéressantes pour la bourse qui s’y retrouvent.

Ces dernières années, énormément de fonds d’investissements se sont montés autour de robots-traders automatiques qui envoient leurs ordres en rafales ultra-rapides en fonction de mots-clés précis qui apparaissent sur les réseaux sociaux.

Finesse… et puissance

Mais la très grande majorité d’entre eux ont fermé, après des performances désastreuses, car il a été prouvé que les robots n’ont pas encore la finesse nécessaire pour détecter l’information pertinente qui va faire monter un titre, élaborer une stratégie quantitative et suivre le plan en fonction. Trop difficile encore, théoriquement.

Donc on a affaire à un intervenant qui maîtrise avec finesse et rapidité les réseaux sociaux. Et aussi capable de passer un nombre d’option et de calculer le prix adéquat avec une rapidité extraordinaire. Car il est arrivé à s’intercaler entre la publication du tweet du Wall Street Journal et le début de la réaction boursière. Et à ce niveau, vu la quantité de positions prises, il y a forcément du trading haute fréquence là-dessous.

Opérateur humain ou puissant robot?

Ce qui permet de déduire 2 hypothèses, si on exclut un délit d’initié pur et simple. La première est qu’on a affaire sans doute à un trader de grand talent, capable donc de tirer partie des réseaux sociaux avec maestria et surtout une très grande rapidité, tout en envoyant une grande quantité d’ordres via des automates, dotés d’une stratégie d’une très grande précision. Donc d’un humain qui a mis au point sans doute la combinaison de technologies la plus efficace de ces dernières années.

Reste la 2ème hypothèse… Qu’on a peut-être affaire-là au coup d’essai d’une efficacité fracassante d’un nouveau type d’intervenant, et pourquoi pas du fameux fonds entièrement automatique lancé par Bridgewater ? Il était sensé entrer en fonction ce mois-ci, mais si l’hypothèse du coup d'essai se confirmait, ce serait un véritable coup de maître, en provenance du premier fonds d’investissement dirigé de A à Z par une intelligence artificielle.

Antoine Larigaudrie