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Dette d’entreprise: le nouveau coffre au trésor de Wall Street

Apple cette semaine a réussi a lever 12 milliards de dollars de dette... Avec une demande total pour plus du double ! Les investisseurs redeviennent friands des obligations d'entreprises.

Apple cette semaine a réussi a lever 12 milliards de dollars de dette... Avec une demande total pour plus du double ! Les investisseurs redeviennent friands des obligations d'entreprises. - Andrew Burton - Getty Images North America - AFP

Très fort engouement des investisseurs ces dernières semaines pour les obligations "corporate", celles émises par les grandes entreprises pour se refinancer. Le placement devient même recherché malgré un contexte de marché toujours volatil.

C’est un signe de confiance fort sur le long terme qu’adressent les investisseurs aux entreprises américaines. Leur dette devient un actif recherché face à la tempête boursière actuelle. Et les dernières opérations d’émission d’obligations le prouvent.

Cela a commencé mardi avec Apple, qui a ouvert le feu avec une opération impressionnante. Le supergéant de la high-tech américaine a bouclé une émission obligataire de 12 milliards de dollars, sur 9 tranches différentes, de 2 à 30 ans.

La ruée des investisseurs

Un succès certain, les carnets d'ordre débordant de partout: il y avait de la demande pour 2 à 3 fois plus, plus de 30 milliards selon certains banquiers! Certes cela concerne Apple, et il s’agissait de financer des programmes de rachats d’actions.

Mais ce succès est un signal très encourageant. Car beaucoup d’autres entreprises se sont livrées à l’exercice, avec là aussi des taux de souscription très importants, preuves d’un vrai appétit à ce niveau. 

Secteurs très diversifiés

Ces dernières semaines auront vu des opérations de même type dans des secteurs très divers de l’économie américaine: les télécoms avec Comcast ou AT&T, IBM, les gros industriels comme Honeywell, sans même compter l’opération la plus massive de l’histoire, l’émission d’Anheuser-Busch-Inbev, qui a lancé pour 46 milliards de dollars d'obligations pour financer la fusion. Là aussi, tout est parti.

Ces opérations concernent des entreprises irréprochables et très bien notées, dotées d’un sérieux projet industriel. Mais on en trouve aussi par exemple dans le secteur bancaire, pourtant touché par un important mouvement de défiance en ce moment sur le marché actions, et qui a lui aussi remporté de jolis succès sur le marché obligataire.

Un véritable engouement… très ciblé

En quelques semaines, Morgan Stanley, Wells Fargo, National Australia Bank ou Barclays ont levé sans problèmes à chaque fois plusieurs milliards, ou dizaines de milliards de dollars. Une aubaine pour un secteur qui est toujours à la recherche d’argent frais pour consolider sa structure financière.

Alors pourquoi un tel engouement? Il faut tout d'abord remettre les choses dans leur contexte. C’est plutôt le côté ciblé des opérations que leur montant global qui est capital pour analyser le phénomène.

Une nouvelle stratégie des investisseurs

D’ailleurs, selon les données du cabinet Dealogic, ce début d’année aura même été le plus faible en termes de montant d’émissions obligataires privées aux États-Unis depuis… 1995!

Mais au milieu de marchés tourmentés, plutôt que d’appliquer la logique mécanique du "Flight to Quality" (repli sur les valeurs-refuge, à savoir traditionnellement vendre ses actions pour acheter des emprunts d’état quand le marché est tendu), les investisseurs essayent d’être plus malins, plus précis, et de jouer le coup d’avance.

Ni trop peu, ni trop de risques

Car il est évident qu’au milieu des turbulences, on voit les investisseurs se mettre à se replier sur des actifs qui ne rapportent plus rien. La dette d’état en particulier, voit ses rendements quasi-nuls, voire négatifs dans certains cas!

Parallèlement, la dette "high-yield" (dette à haut rendement, car considérée comme risquée, comme par exemple les obligations émises par le secteur du gaz de schiste américain, en pleine déconfiture) devient un vrai repoussoir pour les investisseurs, échaudés par la volatilité et le risque.

Mieux que la dette d’état

Et dans l’optique d’une recherche de rendement, les obligations d’entreprises solides et bien notées redeviennent un produit recherché, représentant le meilleur équilibre possible entre rendement, risque et profil financier.

Car acheter une obligation Apple à 10 ans garantit un rendement annuel de 3,28%, alors que les taux de marché pour le bon du Trésor américain de durée équivalente est de 1,7% en ce moment. 

Tâche plus compliquée côté européen

L’obligation d’entreprise a donc un profil quasi-idéal pour figurer en bonne place dans un portefeuille d’investissement équilibré. Les entreprises américaines peuvent afficher des rendements intéressants.

Mais les entreprises européennes, pour le même genre d’opérations, auront moins de marge de manœuvre, face à des taux toujours sous forte pression du fait de la politique monétaire menée par la BCE.

Une vraie problématique pour des entreprises toujours en quête de financements. Séduire l’investisseur va donc sans doute être plus compliqué et plus coûteux, si elles veulent offrir des rendements attrayants.

Antoine Larigaudrie