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Fortes pertes chez Deutsche Bank : une menace pour les banques européennes?

Le géant bancaire allemand Deutsche Bank a annoncé ce matin qu’il allait signer des pertes de 6.2 milliards d’euros sur le seul 3ème trimestre. Des annonces préoccupantes qui planent comme une nouvelle menace sur le secteur européen tout entier.

Ce sont les provisions qui font chuter Deutsche Bank. En soi le fait que la banque annonce des pertes n’a pas étonné grand monde, mais l’ampleur en inquiète beaucoup sur les marchés. Surtout que ces sommes mises de côté sont destinées à couvrir quasiment toutes les activités de la banque, détail, investissements et filiales étrangères. 

Deutsche Bank doit déjà amortir la future cession du réseau de détail PostBank. Cette opération constitue le gros du plan de restructuration de Deutsche Bank, avec à la clé 23000 suppressions de postes. Un poids en moins pour la banque, qui va devoir passer des provisions dessus, tant l’activité s’est dégradée et tant le réseau a perdu de valeur, depuis sa reprise il y a 5 ans. Il avait pourtant permis de doubler d’un coup la base de clientèle de la Deutsche Bank.

La banque de marché souffre

Côté banque d’affaires et d’investissement, pas mieux. Le 3ème trimestre sera l'occasion pour la banque, dont c’est désormais le cœur de métier, d’éponger un 2ème trimestre exécrable, marqué notamment par les turbulences boursières chinoises. La banque aura perdu beaucoup sur l’activité trading.

Mais la banque doit encore remettre au pot pour couvrir d’autres dossiers, et en particulier la dépréciation de ses parts dans la banque chinoise Hua Xia. Victime elle aussi des turbulences chinoises de l’été, sa capitalisation boursière a fondu, et là aussi Deutsche Bank doit combler les écarts dans les comptes.

L’hypothèque réglementaire

Autre problème inhérent à Deutsche Bank: le nombre très important de litiges dans lesquels la banque est impliquée, notamment pour pratiques irrégulières de marché : blanchiment avec la Russie, manipulation des marchés de taux interbancaires au Royaume Uni (le LiborGate), et soupçons d’entente sur les marchés des métaux précieux, entre autres.

Un ensemble d’affaires qui font sans doute de Deutsche Bank une des banques d’affaires les plus épinglées par les autorités de régulation sur les 15 dernières années.

Autorités de plus en plus sévères

Risquant dans les mois et les années à venir des centaines de millions voire des milliards de frais de justice à payer, le groupe là aussi préfère prévenir que guérir, et met de côté des provisions.

Surtout que les autorités, notamment américaines, sont de moins en moins clémentes, comme en témoigne l’amende de près de 10 milliards de dollars qu’a dû payer BNP Paribas, dans l’affaire des transferts d’argent vers les pays sous embargo américain.

Normes et réglementations

Un poids très lourd à porter pour la Deutsche Bank qui doit passer ces provisions dans un contexte d’activité morose et de processus de restructuration, très important, qui prend du retard. Facteur aggravant, la mise en conformité de la banque vis-à-vis des nouvelles normes de solvabilité et de conformité internationale prend plus de temps que prévu, pesant lourdement sur l’activité fondamentale de la Deutsche Bank.

Du coup, même en excluant toutes ces provisions, la banque aurait de toute manière dû annoncer des pertes pour ce 3ème trimestre, 400 millions d’euros à priori.

Deutsche Bank : cas emblématique ?

Mais ce qui inquiète les analystes, c’est que Deutsche Bank est sans doute l’exemple le plus emblématique d’un ensemble de problèmes qui touchent le secteur bancaire européen dans sa globalité.

Certes le géant allemand les regroupe tous, et préfère signer un trimestre déplorable pour repartir du bon pied, mais d’autres banques sont touchées par les mêmes problématiques à plus ou moins grande échelle, individuellement et collectivement.

Et au vu des pertes annoncées, face aux turbulences des marchés au 2ème trimestre, la Chine, l’hypothèque judiciaire, la restructuration des réseaux de détail et les problèmes de normes comptables… Il y a de quoi anticiper un fort mauvais 3ème trimestre en réalité pour l’ensemble du secteur bancaire de la Zone Euro.

Antoine Larigaudrie