BFM Patrimoine
Placements

Jérôme Kerviel présenté comme un "pion" par sa défense

BFM Patrimoine
par Thierry Lévêque et Matthieu Protard PARIS - Jérôme Kerviel, ex-trader de la Société générale tenu pour responsable d'une perte record de 4,9...

par Thierry Lévêque et Matthieu Protard

PARIS (Reuters) - Jérôme Kerviel, ex-trader de la Société générale tenu pour responsable d'une perte record de 4,9 milliards d'euros en 2008, est présenté par sa défense comme le simple "pion" d'un système.

Ce procès, ouvert au tribunal correctionnel de Paris devant une centaine de médias du monde entier, oppose sur fond de crise financière le jeune homme de 33 ans, seul prévenu, à la banque française, partie civile, qui demande une "sanction exemplaire".

"Puisqu'aujourd'hui c'est un homme que nous jugeons, qui êtes-vous M. Kerviel ?", a demandé le président Dominique Pauthe au prévenu, costume sombre, cravate claire et chemise blanche.

Le visage tendu et les yeux cernés, le prévenu a répondu d'une voix à peine audible, retraçant ses études et sa plongée dans la finance à la Société générale à partir de 2000, d'abord au "middle-office" (contrôle), puis comme assistant des traders et enfin comme trader à partir de 2005.

"A certains moments, c'était extrême, fatiguant physiquement", a-t-il dit. Le président a lu une évaluation de 2005 faite par la banque qui concluait : "Attention à la surchauffe, ménagez des temps de repos".

Jérôme Kerviel a expliqué qu'il travaillait de 07h00 du matin à 22h00, même les jours fériés, avec une pause pour manger un sandwich au bureau. Il ne prenait jamais de vacances. "C'était chronophage, je vivais pour les objectifs", a-t-il dit.

"Les encouragements de mes supérieurs ne m'ont pas freiné", a-t-il dit. Il a gagné 48.000 euros nets en 2006, avec un bonus annuel de 60.000 euros. Aujourd'hui consultant informatique, il est tombé à 2.300 euros par mois, selon ses dires.

METZNER ACCUSE LA BANQUE

A l'extérieur, son avocat Olivier Metzner a lancé la charge contre la Société générale.

"Ce n'est pas un homme qui est responsable de cela mais un système. Celui qui comparaît devant le tribunal est un pion, un pion qu'on a utilisé et dont on a tiré profit, et (...) qu'on a jeté", a-t-il dit.

Cité comme témoin, l'ancien PDG de la banque Daniel Bouton, évincé après l'affaire, a expliqué dans une lettre lue à l'audience qu'il ne viendrait déposer à l'audience qui durera trois semaines que si le tribunal l'exige.

La défense de Jérôme Kerviel n'y tient pas. Le tribunal statuera ultérieurement. "Sauf à transformer cette audience en barnum, je ne vois pas pourquoi il serait contraint à venir", a dit Me Jean Veil, avocat de la banque.

Près d'une centaine de médias français et étrangers sont accrédités pour suivre ce procès. Une quarantaine de témoins, principalement des cadres et dirigeants de la banque, sont convoqués pour les audiences programmées jusqu'au 25 juin.

Poursuivi pour "faux, usage de faux, abus de confiance, introduction frauduleuse de données dans un système informatique", Jérôme Kerviel encourt jusqu'à cinq ans de prison et 375.000 euros d'amende.

Il se voit reprocher des positions à risque vertigineuses de 2005 à 2008 sur des indices boursiers européens, ayant atteint plus de 49 milliards d'euros, dissimulées selon l'accusation à son employeur.

LA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE SE VOIT EN VICTIME

Les juges d'instruction fondent essentiellement les charges sur les propres déclarations du trader, qui a reconnu que la limite d'engagement au-delà d'une journée pour les huit traders de l'unité où il travaillait était à 125 millions d'euros.

La Société générale veut une "sanction exemplaire".

"Nous rappelons que la Société générale a été victime (...) il faut arrêter de faire croire qu'elle est sur le banc des accusés. Ce procès est important pour tourner la page", a-t-on dit au sein de la banque à Reuters avant le procès.

L'ex-trader reconnaît des fautes mais incrimine sa hiérarchie, qui aurait fermé les yeux sur ses agissements.

Olivier Metzner entend produire à l'audience des documents montrant selon lui que les agissements de Jérôme Kerviel ne pouvaient être ignorés de la banque.

Exonérée sur le plan pénal, la Société générale n'est pourtant pas sortie indemne de l'enquête, qui a montré qu'elle avait négligé plus de 70 alertes internes et externes sur le comportement de Jérôme Kerviel.

Le défaut de contrôle a valu à la banque une amende de quatre millions d'euros infligée par la Commission bancaire.

Edité par Yves Clarisse