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L’Allemagne emprunte à 5 ans à taux négatifs

La BCE, avec son plan de rachats de dettes, est en grande partie responsable de la chute des taux, voire de leur niveaux négatifs désormais.

La BCE, avec son plan de rachats de dettes, est en grande partie responsable de la chute des taux, voire de leur niveaux négatifs désormais. - Daniel Roland - AFP

L’Allemagne a fait son entrée officielle hier dans le club fermé des emprunteurs à taux négatifs. Les investisseurs devront désormais payer une prime pour prêter de l’argent au pays. Une situation extraordinaire qui devient un produit d’investissement à part entière.

-0.08%... voici donc le rendement offert par l’Allemagne pour des bons du Trésor à 5 ans émis hier. Donc oui, il faudra que les investisseurs payent pour acheter de la dette allemande. Mais cela n’a refroidi personne, l’opération de 3 milliards d’euros a été entièrement souscrite. Tout est parti.

L’Allemagne rejoint donc 4 autres pays européens qui empruntent à taux négatifs sur des emprunts à 5 ans : les Pays-Bas, la Finlande, l’Autriche et le Danemark. Sans compter deux autres cas particuliers, les entreprises Nestlé et Shell, qui eux aussi sont dans le même cas.

Pourquoi investir sur des emprunts à taux négatifs ?

Evidemment, on est toujours un peu sceptique devant ce cas de figure, qu’est-ce qui pousse un investisseur à payer pour de la dette sans aucun rendement ? Quel sorte de profit peut-on faire en investissant sur quelque chose qui rapporte moins que rien ?

Première raison, de grosses institutions financières comme des banques ou des assureurs peuvent investir sur différents types de dettes et donc différents types de rendement, en jouant le différentiel de taux. Une sorte de "Carry-Trade" dont on peut profiter, comme à une certaine époque on le faisait sur les monnaies.

Les investisseurs demandeurs, BCE en tête

Autre argument pour investir sur ces taux négatifs, acheter des obligations en misant sur une hausse de leur valeur. Ce qui va donc, mathématiquement, encore réduire leur rendement, encore plus loin sous zéro.

Mais ce scénario a toutes les chances de se présenter, puisque la BCE va devenir un des principaux acheteurs d’emprunts d’états sur le marché secondaire avec son plan de Quantitative Easing. Et particulièrement des dettes les mieux notées. Il y a donc de bonnes perspectives de profits pour les investisseurs patients.

Les "Paradis Négatifs" en pleine croissance

Les emprunts à taux négatifs commencent même à devenir une classe d’actifs particulière, on les surnomme même les "Negative Heavens" désormais… paradis négatifs ! Un marché en pleine explosion avec ce mouvement de baisse des taux un peu partout dans le monde et les politiques des banques centrales au niveau mondial.

Selon les chiffres de la banque JP Morgan, ce marché, rien qu’en Europe, sera passé en moins d’un an de 20 milliards à 2.000 milliards de dollars d’encours. Marché en croissance exponentielle et avec lequel il va falloir apprendre à vivre et élaborer des stratégies payantes.

Quand l’argent devient plus que gratuit

Ce qui amène un autre facteur de risque dans l’analyse : la BCE a prévu d’acheter pour 60 milliards d’euros par mois de produits de dette sur le marché pour son programme de Quantitative Easing. Y’aura-t-il assez d’obligations sur le marché pour que la BCE tienne ses objectifs ?

Ou la Banque Centrale espère-t’elle que les états vont continuer à s’endetter et lancer des emprunts multiples sur le marché, peut-être même plus que prévu, pour pouvoir les racheter en masse ? Drôle de situation et de déséquilibres qui vont pourtant constituer le tableau financier européen pour les années à venir. L’argent devient plus que gratuit.

Antoine Larigaudrie