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Le "casino" boursier chinois est-il en train de craquer ?

Les petits porteurs chinois, de plus en plus investis sur les marchés actions, sont témoins tous les jours de mouvements boursiers spectaculaires, qui commencent à inquiéter l'Etat lui-même.

Les petits porteurs chinois, de plus en plus investis sur les marchés actions, sont témoins tous les jours de mouvements boursiers spectaculaires, qui commencent à inquiéter l'Etat lui-même. - Johannes Eisele - AFP

Un quart de capitalisation boursière parti en fumée en 3 semaines, des séances jamais vues en termes de volatilité, des autorités qui semblent dépassées, et l’impression qu’une gigantesque bulle spéculative est en train d’exploser… le marché chinois n’en a pas fini de fasciner et de faire peur, tant il semble le plus instable au monde pour le moment.

Semaine noire à la Bourse de Shanghai. 12,5% de perdus en 5 séances de bourse, 27% en seulement 3 semaines, depuis les derniers plus hauts du 12 juin, l'Indice Composite de Shanghai connaît sans doute actuellement la phase de baisse la plus spectaculaire et la plus rapide de toute son histoire.

Et pourtant, ce qui commence à ressembler à un mouvement de panique boursière ou à un krach en règle, ne doit pas faire oublier sa spectaculaire progression depuis un an. L'indice Composite reste en hausse de 80% sur un an, et gagne toujours 15% depuis le premier janvier, un bilan très largement positif.

Facteurs techniques

Mais tout cela au prix d'une volatilité, d'écarts de cours absolument spectaculaires, jamais vus depuis la crise de 2008. Et ce, quelques jours seulement après annonce d'une nouvelle baisse de taux du côté de la Banque Centrale Chinoise, supposée rassurer tout le monde.

Que s’est-il passé ces derniers jours à la Bourse de Shanghaï ? Déjà de nombreux facteurs d’ordre purement techniques. Depuis ces derniers mois le pouvoir chinois à tout fait pour encourager l’investissement des particuliers sur le marché actions. A grands coups de mesures d’incitation, de baisse des frais de courtage et de simplification des procédures d’ouvertures de comptes-titres.

Entre frénésie et flambées boursières

Investissement boursier facilité également pour les investisseurs étrangers, pour lesquels le marché domestique chinois est de plus en plus ouvert et accessible, facilité par l’ouverture en novembre 2014 du système "Connect", permettant d’échanger des actions à la fois à Hong Kong et Shanghaï via des circuits communs.

Tout cela a créé une véritable frénésie sur le marché actions chinois. Un marché où peuvent se créer en une semaine seulement plus d’un million et demi de comptes-titres de particuliers devient forcément bien plus volatile, attirant en cascade des investisseurs toujours plus nombreux, attirés par des taux de progression faramineux, certaines sociétés pouvant gagner en quelques jours 4.000% dans certains cas !

Grippages et sanctions violentes

Un effet boule de neige et des chiffres absolument fous, puisque que le marché actions domestique chinois pèse désormais 8.000 milliards de dollars, c’est le 2e plus gros du monde, derrière le marché américain. Mais voilà, la machine tend à se gripper. Et les secousses sont finalement à la (dé)mesure de ce marché frénétique.

Avec des inquiétudes légitimes autour de la croissance chinoise, de l’état de santé de l’économie des grandes régions chinoises, des perspectives de son industrie, des us et coutumes parfois pas très transparents des sociétés chinoises, le moindre signe de faiblesse est immédiatement sanctionné par de violentes corrections boursières.

L’effet des appels de marge

Des corrections souvent accentuées par un phénomène connu sous le nom d’appels de marges. Il faut savoir qu’énormément d’épargnants, attirés par les progressions faramineuses des indices, n’hésitent pas non seulement à liquider leur épargne, voire leur or ( !) pour investir… mais en plus, pour maximiser leurs gains, ils empruntent le capital à investir auprès de leur courtier ou de leur banque. Un effet de levier très positif… quand le marché monte.

Mais quand il se grippe, les prêteurs, affolés par l’ampleur des pertes potentielles et de l’exposition de leurs clients, veulent récupérer leurs créances de manière sonnante et trébuchante. C’est donc l’appel de marge. Effet baissier décuplé sur le marché, car beaucoup de clients sont obligés de vendre leurs actions dans de mauvaises conditions pour rembourser leur capital et ne pas trop perdre.

Quand l’Etat a peur de perdre des plumes

Les chinois goûtent ainsi la potion amère des produits agressifs à effet de levier, devenus communs sur les marchés occidentaux. Risqués et parfois dangereux. Mais ce phénomène est amplifié à l’ensemble d’un marché au poids considérable.

Or, si on met de côté les particuliers et les investisseurs étrangers, au nombre encore restreints, le principal investisseur sur le marché actions chinois en termes de capitalisation boursière, et de loin, n’est autre que la République Populaire elle-même, via ses véhicules d’investissements !

Nouvelles mesures de soutien

D’où la volonté du gouvernement de tout faire pour que le marché tienne, même au prix d’une forte volatilité. Plusieurs trains de mesures d’assouplissement ont été prises dernièrement, notamment une nouvelle baisse des taux directeurs de la Banque Centrale du pays, la 4ème depuis novembre dernier, ainsi que l’étude de nouvelles mesures, comme l’ouverture au marché boursier des fonds de retraite chinois !

Une tentative effrénée pour consolider un marché actions que le gouvernement a voulu ouvrir au plus grand nombre, mais qu’il a bien du mal à stabiliser désormais. A tel point que les observateurs craignent qu’ils soit bâti sur des fondations trop instables, le condamnant à devenir un jouet spéculatif hautement risqué, ponctué de formations et d’explosions de bulles spéculatives en série.

Antoine Larigaudrie