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Les matheux plus que jamais rois de la finance

Les ingénieurs capables de décrypter et de tirer partie des monceux de données de marché sont de plus en plus demandés du côté de Wall Street

Les ingénieurs capables de décrypter et de tirer partie des monceux de données de marché sont de plus en plus demandés du côté de Wall Street - Spencer Platt - Getty Images North America - AFP

Alors que les techniques de trading deviennent de plus en plus sophistiquées, les grandes firmes de Wall Street ont un besoin massif d’ingénieurs et en particulier d'expert en mathématiques quantiques. Et pour les séduire, elles sont prêtes à les payer très cher. Mais cela ne suffit pas.

Le profil rêvé pour être sûr d’intéresser les plus grands hedge funds américains? Trader de génie? Non. Banquier expérimenté? Non. Analyste de renom? Non plus. Le profil le plus demandé du moment est celui d’ingénieur, et notamment en mathématiques quantiques.

Eux seuls possèdent les techniques les plus avancées pour créer de nouveaux modèles qui serviront de base aux techniques de trading les plus efficaces. Car même si la sophistication technologique, à base d’algorithmes ultra-rapides, et d’élaboration d’intelligences artificielles sont de plus en plus avancées, il reste à la base un travail à la fois complexe et fastidieux, l’analyse des données.

La prime au quantique

Modéliser les mouvements de marché passés, détecter les dynamiques dans de multiples configurations, comparer, sur différentes échéances et possibilités… le tout sur des années et des années. Des monceaux de données qu’il faut savoir chercher, trouver, recueillir et agréger.

Etant donné que la généralisation des techniques de Big Data permet à tout le monde d’avoir accès aux données intéressantes, la plus-value appartient à celui qui sait le mieux les exploiter pour créer des modèles performants. En cela, les mathématiques quantiques constituent l’approche la plus sophistiquée.

Rationnaliser et modéliser

Clayton DeGiacinto, fondateur d’Axonic, un hedge fund new-yorkais de quasiment 3 milliards de dollars, l’explique en ces termes : "Nos besoins en termes de données pour alimenter notre recherche fondamentale sont tout simplement massifs. Et ceux qui permettront de créer le plus de valeur sont ceux qui seront capable de les synthétiser le plus rapidement et le plus efficacement possible."

La dernière technique en vogue étant celle dite des "Ondelettes", une méthode basée sur des algorithmes et l’analyse de signaux mathématiques, et qui permet de rationaliser et de modéliser le plus efficacement possible la recherche de données dans un champ immense.

Embauches à prix d’or

Mais pour cela, il faut les ingénieurs en mathématiques les plus chevronnés. Beaucoup ont déjà été embauchés par les grandes formes de Wall Street et continuent à l’être, que ce soit pour l’élaboration d’algorithmes ou pour le réglage des machines de trading, notamment celles à haute fréquence.

Et les mathématiques quantiques constituent sans doute la discipline la plus complexe qui soit. Les hedge funds sont prêts à embaucher ces ingénieurs à prix d’or, tant leur savoir est source de profits. Sauf que les mathématiciens ne semblent, eux, pas franchement attirés par ces carrières.

Pas qu’une question d’argent

Beaucoup de leurs confrères ont déjà intégré des grandes banques d’affaires ou des firmes, avec des carrières bien plus lucratives que pour ceux qui se destinaient à a recherche. Mais au prix d’une pression très forte en termes de résultats, et souvent de l’impossibilité de perfectionner leurs travaux et leurs théories par manque de temps.

En conséquence, beaucoup d’ingénieurs et de scientifiques reviennent déçus de ce passage par le monde de la haute finance. Un phénomène qu’a observé le cabinet de recrutement DHR International de New York : "Si les hedge funds veulent recruter des mathématiciens de ce calibre, il va falloir les séduire, et ce n’est pas qu’une question d’argent", dit Jeanne Branthover, chargée du recrutement au cabinet.

Faire mieux que la Silicon Valley!

"Un doctorat en mathématique quantique vous garantit d’être embauché à 150.000 dollars de salaire annuel au minimum par un gros fonds, quasiment le double d’un analyste financier. Mais pour un salaire peut-être un peu inférieur, ils préféreront se faire embaucher dans la Silicon Valley. Il y a moins de pression et un attrait imbattable qui est… le "Facteur Cool!" ajoute-t-elle.

De quoi imaginer deux ingénieurs de la même promotion qui se rencontrent. L’un d’eux dit "Je viens de me faire embaucher par King Street Capital Management, qui gère 19 milliards de dollars d’actifs !". L’autre répond : "Je travaillais chez Facebook et je viens de me faire embaucher par Google". Lequel est le plus à envier, salaire et conditions de travail confondus ?

De fait, chaque fonds spéculatif de Wall Street est en demande permanente d’un ou de plusieurs de ce type d’ingénieur! Les grandes enseignes de la finance américaine vont devoir changer de culture et de cadre pour leurs scientifiques, afin de rendre à nouveau une carrière dans la finance attrayante à leurs yeux.

Antoine Larigaudrie