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Marchés: la volatilité a-t-elle disparu?

La Bourse de Chicago héberge l’indice de volatilité VIX, surnommé le « Baromètre de la Peur » par les marchés. Un instrument de moins en moins utilisé.

La Bourse de Chicago héberge l’indice de volatilité VIX, surnommé le « Baromètre de la Peur » par les marchés. Un instrument de moins en moins utilisé. - -

Depuis la forte remontée des principaux indices boursiers mondiaux, débutée il y a un an et demi, on a l’impression que la volatilité, auparavant facteur impondérable des marchés, a quasiment disparu. La réalité est plus complexe. Eléments d’explications.

La séance de jeudi à la Bourse de Paris aura été exemplaire à plus d’un titre. Certes un seuil psychologique, les 5000 points, et un timing de tendance à court terme qui incitait à la prudence… des volumes certes honorables à 3,7 milliards d’euros d’actions négociées sur le CAC40, mais alors des bornes d’évolution qui auront rarement été aussi maigres, la séance s’est joué en 19 points de 9h à la cloche de 17h30.

Où est donc partie la volatilité ? Ces fameux gros écarts de cours que la bourse aime tant jouer, synonyme de profits décuplés ? Celle qui sert à acheter au plus bas et à vendre au plus haut, sur une même journée ?

Volatilité toujours présente mais plus ponctuelle

Elle n’a pas totalement disparu. En témoignent certains mouvements assez forts cette semaine, alors que la tendance fondamentale reste à la hausse. Gros potentiel toujours pour les indices européens, un peu moins élevé pour les actions américaines, mais toujours sur une pente ascendante.

Mais plusieurs coups de mou sont venus émailler la semaine boursière. Entre Wall Street qui s‘inquiète du dollar trop fort, et l’Europe qui a besoin de souffler, on s’est retrouvé avec des réactions de marché assez violentes, assez soudaines… avant que tout ne rentre dans l’ordre et que les indices poursuivent leur chemin comme si rien ne s’était passé.

Mauvaise opération pour les hedge funds

Une sorte de phase de prises de bénéfices-express, avant de tout de suite reprendre le train de la hausse en marche.

Donc la volatilité existe encore. Mais beaucoup plus ponctuelle et ténue, difficile à envisager comme il y a encore quelques années, entre 2007 et 2013, où la volatilité "intraday" (calculées sur une journée de bourse), atteignait des sommets, avec des retournements complets de tendance et des leviers d’orientation à jouer. C’est aussi une des raisons pour lesquelles les hedge funds, fonds d'arbitrages spéculatifs, très friands de cette volatilité, ne signent que de médiocres performances sur les dernières années.

Tendance plus saine et plus fluide

La principale raison est encore à trouver du côté des politiques monétaires des banques centrales, qui fournissent au marché des liquidités en abondance, et qui avec la baisse des rendements des taux, ont tout fait pour que les actions se retrouvent par défaut le seul actif de marché capable de fournir du profit et du rendement. Une vraie matière première à exploiter.

Les flux d’investissements deviennent continus, très fluides et presque toujours faciles à anticiper. Et surtout, sur une tendance vraiment positive qui ne se tarit pas. Et d’ailleurs, plus les volumes sont abondants, plus le marché est liquide, moins il y a mathématiquement de volatilité. Elle s’épanouit précisément dans des marchés aux volumes faibles, où la moindre position forte provoque de grosses secousses de tendance.

Le crépuscule du VIX

L’autre raison est peut-être à chercher du côté de la manière dont on évalue la volatilité. L’instrument le plus utilisé pour se couvrir contre les soudains gros mouvements de marché et l’indice VIX de la Bourse de Chicago. Un indice unique qui mesure les positions réelles de l’indice large S&P500, et les options qui sont prises dessus.

Ainsi, on peut évaluer l’écart théorique entre les cours réels et ce qu’ils sont susceptibles de faire à la hausse ou à la baisse. Et plus l’écart est grand, plus l’indice VIX monte, et plus la volatilité est considérée comme élevée. Des instruments similaires existent en Europe calqués sur le même principe, même si leur utilisation est moins fréquente.

Le "Baromètre de la Peur"

Bref, quand les marchés sont trop remuants, on achète de cet indice VIX, qu’on surnommait même à un moment le "Baromètre de la Peur" sur les marchés ! Il a atteint 90 points quasiment au plus en 2009, au plus fort de la crise financière, a connu 2 pointes du côté des 45-50 points en 2010 et 2012, au milieu de la crise des dettes souveraines, puis plus grand-chose, on oscille toujours entre 11 et 30 points.

L’évolution des volumes d’échanges sur cet indice montre d’ailleurs une baisse continue depuis cette époque. Globalement on est désormais au plus bas depuis 2012 ou 2013.

Qu’est-ce que cela démontre ? Déjà qu’il y a moins de volatilité sur les marchés. La tendance actuelle, de hausse continue depuis 6 ans, montre qu’au-delà des brusques sursauts de marché, on voit des investisseurs qui gardent une confiance quasi-absolue sur le long terme.

Signe de confiance important

Ensuite, il semble que les investisseurs boursiers n’aient plus besoin de "Baromètres de la Peur " ou au moins, moins systématiquement. Déjà parce qu’ils n’ont plus "Peur" de la même manière, qu'ils sont prêts à prendre plus de risques, et les brusques changements de tendance à court terme sont arbitrés très vite, en direct, sur le cours réel des actifs, actions, indices, obligations, etc. On s’ajuste en fonction de l’offre et de la demande, avec beaucoup moins d’appétit pour les instruments de couverture.

Un souci pour la Bourse de Chicago qui en avait fait un de ses produits best-sellers, mais peut-être aussi le meilleur signe de confiance des investisseurs vis-à-vis des marchés.

Antoine Larigaudrie