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Pétrole: pourquoi l’Arabie Saoudite ne veut pas intervenir sur les prix

Nommé par le Roi Salman à la tête de Saudi Armaco au printemps dernier, Khalid Al Falih assure la continuité : hors de question de toucher aux quotas de production pétrolière.

Nommé par le Roi Salman à la tête de Saudi Armaco au printemps dernier, Khalid Al Falih assure la continuité : hors de question de toucher aux quotas de production pétrolière. - Mohammed Al-Shaikh - AFP

Hors de question de toucher aux quotas actuels de production pétrolière. C’est en substance le sujet de la première intervention du patron de Saudi Aramco, la compagnie pétrolière nationale Saoudienne. Un statu quo qui commence finalement à ressembler à une position gagnante pour le Royaume.

"Il faut laisser le marché faire son job" dit de manière décidée Khalid Al Falih. Nommé au printemps dernier à la tête de Saudi Aramco (toujours la plus riche entreprise du monde, non cotée), il se devait de donner un signal fort, après tous les doutes des marchés sur le bien-fondé des positions saoudiennes, notamment vis-à-vis de leurs conséquences économiques sur le pays.

Le mois dernier, l’agence Standard & Poor’s, pour cause de pétrole bon marché, avait décidé d’abaisser d’un cran la note de crédit du pays, parlant de nécessaires réformes économiques et fiscales pour juguler des problèmes budgétaires de plus en plus criants.

Une demande mondiale qui repart

Une analyse que ne partage pas du tout Khalid Al Falih. Pour lui, c’est à l’offre et à la demande de s’ajuster naturellement, et c’est donc au marché de déterminer les prix, comme il se doit. De toute façon, le patron de Saud Aramco en est certain: "le pire de cette situation de prix planchers est derrière nous".

Recoupant la plupart des prévisions de marché pour les années à venir, Saudi Aramco estime que la demande est en train de repartir suffisamment pour commencer à réduire les stocks, aussi bien les réserves stratégiques des états que toute la masse de pétrole transportée par la flotte mondiale de pétroliers géants.

Le dollar en soutien

"Cette tendance lourde va réduire progressivement la situation de surapprovisionnement actuelle, surtout que les investissements sont encore largement suffisants pour alimenter le marché correctement sur les années à venir", dit le patron de Saudi Aramco.

Facteur supplémentaire positif selon lui, la remontée du dollar, avec les perspectives de hausses de taux de la FED. Cela va faire grimper en valeur les prix du baril en dollar, pour tous les importateurs qui achètent en monnaies étrangères. Un facteur technique complexe, mais important, remarque l’Arabie Saoudite.

70-80 dollars le baril d’ici 2017

Selon Saudi Aramco, si on suit les tendances actuelles d’offre et de demande, l'or noir devrait doucement remonter à 70-80 dollars le baril d’ici deux ans. De quoi en finir totalement avec l’engorgement du système productif mondial, et redonner aux cours des niveaux suffisamment intéressants pour investir.

En cela, l’Arabie Saoudite est peut-être en train de gagner un pari extrêmement risqué qu’elle joue depuis un an et demi, et le début de la très forte baisse des prix du brut, avec des cours réduits de moitié.

Situation économique et politique complexe

Malgré une situation politique complexe, et un processus de mutation des organes de pouvoir saoudiens, entamé par le Roi Salman, depuis qu’il a accédé au Trône à la mort de son prédécesseur Abdallah, la situation économique du Royaume souffre de cette forte baisse du prix du pétrole, véritable poumon économique du pays.

Le déficit budgétaire explose, le profil de crédit s’aggrave et on craint de voir tout une région économique touchée dans le sillage, Arabie Saoudite et autres pays du Golfe étant par nature très interdépendants économiquement.

Laisser le marché agir

Pourtant l’Arabie Saoudite ne bouge pas. Elle compte éponger le gros de ce trou d’air économique -passager selon elle- grâce à ses réserves de changes, évaluées aux alentours des 650 milliards de dollars.

Pour le reste l’Arabie Saoudite fait confiance au marché et joue d’une pierre deux coups: elle laisse l’industrie se restructurer elle-même et trouver ses niveaux d’équilibre… tout en laissant les Etats-Unis à leurs difficultés à faire fonctionner sainement l’industrie des gaz de schiste, désormais aux prises avec d’énormes difficultés financières.

Comme quoi l’Arabie Saoudite reste fidèle à son credo: le pétrole le plus rentable est celui qui n’a pas encore été extrait…

Antoine Larigaudrie