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Pfizer-Allergan: le mariage du siècle annulé pour raisons fiscales

"Le numéro 1 mondial de la pharmacie ne naîtra finalement pas de la fusion Pfizer-Allergan. Les deux parties abandonnent l’idée, en raison d’un nombre de risques croissant, aussi bien fiscaux que politiques."

C’est l'une des plus grosses opérations financières de tous les temps, qui se termine en queue de poisson. Pfizer et Allergan annulent leur mariage, qui promettait d’être le plus fastueux de l’histoire de l’industrie pharmaceutique.

Mais les risques étaient trop nombreux, et n’ont finalement pas grand-chose à voir avec les problématiques industrielles du secteur. De quoi alimenter la polémique autour des intentions réelles des deux fiancés.

Projet industriel solide

Car depuis le début des négociations il y a quelques mois, le Trésor et les autorités américaines ont des doutes. Certes, et Pfizer et Allergan l’ont longuement expliqué dans leur road-show, l’alliance vise à consolider le plus important portefeuille de molécules de tous les temps.

Avec comme objectif de combiner des molécules à la fois traditionnelles et d’autres plus innovantes sous une seule bannière, avec un réseau commercial unique et parmi les plus efficaces du monde dans le domaine.

Soupçons d’inversion fiscale

Mais depuis le début, les autorités ont une conviction tenace: ce que Pfizer convoite, c’est surtout la domiciliation fiscale de sa proie, en Irlande. Pays où le taux d’imposition est autour des 13%, contre 33 aux États-Unis.

Un état de fait d’autant plus dur à encaisser pour la classe politique américaine, que Pfizer est l'une des plus vieilles entreprises pharmaceutiques du pays, avec un siège historique à Brooklyn, au cœur d’une ville de New York qui a besoin de garder une assise industrielle forte.

Enjeu de campagne présidentielle

En plus des synergies de coût, l’opération de rachat, même géante, aurait rapidement été compensée par de très importantes économies fiscales, de l’ordre de plusieurs centaines de millions de dollars par an, si le siège du nouvel ensemble avait migré en Irlande.

Et en plein milieu de la campagne présidentielle américaine, ce phénomène de la "Tax Inversion", les fusions-acquisitions à visées d’optimisation fiscale, sont regardées de plus en plus près.

Aspect gênant… devenu central

Une nouvelle initiative, soutenue par le Président Obama, doit voir le jour sous peu, avec de nouvelles règles de nature à rendre toute opération du genre impossible.

Elle est d’ailleurs l’objet d’une dispute majeure entre démocrates et républicains en ce moment. Et même si aucun texte n’a été voté encore par le parlement américain à ce sujet, le risque était devenu trop grand pour Pfizer et Allergan. Entamer une fusion maintenant et devoir tout stopper avec l’arrivée de nouvelles lois pouvait occasionner des dégâts financiers considérables.

Car même si Pfizer et Allergan avaient un projet industriel cohérent sur le papier, l’aspect fiscal du dossier était devenu bien trop central, bien trop politique, pour justifier une poursuite des opérations.

Antoine Larigaudrie