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Pourquoi la Grèce n'est pas le seul risque pour les marchés

Les traders européens et américains vont devoir composer tout ce été avec une somme d'incertitudes rarement vue sur les marchés financiers. Un été à très hauts risques vient de s'ouvrir.

Les traders européens et américains vont devoir composer tout ce été avec une somme d'incertitudes rarement vue sur les marchés financiers. Un été à très hauts risques vient de s'ouvrir. - Frank Rumpenhorst - DPA - AFP

Rarement depuis la faillite de la banque Lehman Brothers et la précédente crise des dettes souveraines en zone euro les marchés ne se seront retrouvés avec une telle somme d’incertitudes à gérer. Grèce, mais aussi Chine, Suisse, et même Porto Rico (!) garantissent une période prolongée de forte volatilité.

Les traders appellent ça la "Tempête Parfaite". Une accumulation d’éléments de nature à faire tanguer le marché sur une longue période, dissuader les investisseurs de prendre le moindre risque, et les inciter plutôt à prendre tous les bénéfices possible, et se tenir à l’écart du marché le temps que les choses se tassent. Il est vrai que l’imbroglio autour de la dette grecque a semé une fois de plus le doute.

Persuadés qu’on s’acheminait avant ce week-end vers une sortie de crise rapide et un accord fiable entre le pays et ses créanciers, les investisseurs ont fait monter les marchés actions, avec volumes et convictions.

Retour à la case départ

Cela s’est traduit par une montée de 5% du CAC40 sur la semaine écoulée, et sur un maintien des positions juste avant le week-end. Positions bien évidemment balayées d’un coup à l’ouverture ce lundi, et encore, avec un certaine flegme. Pas de sentiment de panique généralisée, juste le sentiment d’un retour à la case départ.

Même du côté des marchés obligataires, on a encaissé le coup, sévère, avec une nette tension sur les rendements des dettes souveraines des pays du sud de l’Europe. Comme le marché grec est fermé jusqu’à nouvel ordre, les investisseurs se sont empressés de mettre la pression sur l’Italie, l’Espagne ou encore le Portugal. Le rendement de leurs obligations se sont nettement tendus, passant de 2 à 2,4 ou 2,5% pour les 2 premiers et 3% pour les taux portugais 10 ans, avant de se calmer un peu.

Correction marquée sur l’obligataire

Mouvement inverse pour les pays "Cœur Zone euro", Allemagne en tête. Le rendement du Bund à 10 ans, proche de 0,9% vendredi dernier, et reparti en forte baisse du coté de 0,7% dans un premier temps, avant de remonter un peu. Avec comme résultat de rendre la situation un peu plus complexe, car plus les écarts de taux se creusent, plus l’impact est fort sur l’ensemble du marché.

Bref une correction à laquelle il fallait s’attendre, qu’on a géré avec calme pour le moment, mais qui met une fois de plus l’ensemble des acteurs du monde financier sur ce qui ressemble de plus en plus à un fil de rasoir… D’autant que tout pourrait à nouveau basculer avec le référendum grec de la fin de semaine, ou d’éventuels remous autour d’un défaut de la Grèce voire d’une sortie pure et simple de la zone euro.

La Suisse entre en scène

L’Europe qui risque d’avoir à s’intéresser à un autre problème. Après un début d’année catastrophique marqué par l’abandon du taux de change fixe de sa devise avec l’Euro, la Banque Nationale Suisse doit à nouveau intervenir sur le marché des changes pour juguler la force du Franc Suisse. Malgré des taux longs à la limite du négatif, le Franc est toujours surévalué de l’avis de la Banque Centrale, qui intervient sur le marché en achetant d’autres monnaies, euro et dollar en tête, pour tenter d’affaiblir la sienne !

Mais comme si cela ne suffisait pas, la Chine s’invite à nouveau au palmarès des inquiétudes de marché ! La Banque Centrale Chinoise a décidé ce week-end également de baisse ses taux directeurs, au lendemain d’une baisse très marquée des indices boursiers chinois de plus de 7%. La Banque du Peuple, sentant la conjoncture du pays se fragiliser, a décidé d’abaisser son taux directeur de 4,8% ainsi que ses taux de réserves bancaires obligatoires de 0,5%.

La volatilité redouble en Chine

Or ce qui aurait dû apaiser le marché l’a au contraire fait craquer ce lundi matin, provoquant jusqu’à 7% de baisse, avant de clôturer sur un repli finalement limité d’un peu plus de 3%. Le phénomène étant compliqué par ce qu’on appelle les "Appels de marge" : comme beaucoup d’investisseurs chinois achètent des actions à crédit, quand les marchés subissent de fortes baisses, les prêteurs veulent toucher leur marge tout de suite pour éviter de subir un gouffre de pertes auprès de leurs clients.

Une situation qui provoque de la volatilité extrêmement forte, le marché de Shanghaï devenant un des plus spéculatifs du monde, car même si les pertes sont impressionnante en 2 jours, quasiment 10%, l’indice composite de Shanghaï gagne tout de même plus de 100% sur l’année écoulée !

Puerto Rico en défaut ?

La cerise sur le gâteau s’appelle Puerto Rico. Le Gouverneur du territoire américain, après un an d’énormes difficultés financières, a déclaré qu’il était cette fois quasiment en cessation de paiement, incapable d’honorer les prochaines échéances de ses engagements financiers, 72 milliards de dollars au total !

Un évènement qui va remettre au centre des préoccupations de marché les énormes problèmes de financement et refinancement qui touchent bon nombre de villes et de collectivités locales américaines, les dernières victimes ayant été Detroit ou Stockton, avec en toile de fond la situation budgétaire difficile également du côté de la Californie.

Un sac de nœud complet donc, qui risque d’enserrer les marchés financiers pendant encore un bon moment, tant les sources d’inquiétudes sont nombreuses, au cœur d’un été qu’on prédisait déjà chaud avant cela. La semaine à venir s’annonce donc décisive, notamment pour le dossier grec, et même si on en est pas aux extrémités qu’on a connues lors de la faillite de Lehman Brothers, la somme des incertitudes actuelles risque de créer une volatilité jamais vue sur le marché depuis la crise des dettes souveraines européennes en 2011.

Antoine Larigaudrie