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Qu’est-ce qu’un krach boursier?

Aucune définition théorique du krach boursier n'existe, hormis un certain recul historique et de très rudes périodes pour bon nombre de traders à travers la planète.

Aucune définition théorique du krach boursier n'existe, hormis un certain recul historique et de très rudes périodes pour bon nombre de traders à travers la planète. - Mario Tama - Getty Images North America - AFP

La très forte baisse de la Bourse de Shangaï ces 3 dernières semaines (-25% environ) commence à ressembler à un mouvement de panique boursière, même si quasiment personne n’emploie encore le mot "Krach". Mais justement, y a-t-il une définition théorique de ce qu’est un krach boursier ?

-5% ? -10% ? ou -20 ? A partir de quel seuil de points perdus est-on en droit de parler de krach boursier, quand un indice chute ? En réalité, aucun vrai seuil, aucune définition conventionnelle n’existe, spécifiquement parce que le mot de "Krach" n’apparaît, pour qualifier une déroute boursière, qu’avec un certain recul historique.

Seuls les krachs boursiers d’octobre 1929 et d’octobre 1987 ont été qualifiés d’entrée de jeu en ces termes, car ils étaient sans doute l’expression la plus flagrante du phénomène. Ce sont les 2 seuls cas répertoriés ou les indices de la Bourse de New York ont corrigé de plus de 10% en une séance.

Racines autrichiennes

Mais au-delà de ce seuil symbolique, il n’y a pas de véritable code pour désigner un krach boursier, certains arrivant brusquement sur une très courte période de temps, en une seule journée, d’autre étant des mouvements plus progressifs, plus latents, mais tout aussi spectaculaires en matière de tendances et de conséquences sur l’économie réelle.

Mais d’où vient le mot krach ? Pour cela il faut remonter à 1873 en Autriche. Et il est étonnant de voir comment tous les ingrédients de ce premier krach boursier de l’histoire en tant que tel, ressemblent à s’y méprendre à des situations qu’on a pu retrouver dans l’histoire récente des marchés financiers.

Spéculation immobilière

C’est en mai 1873 que commence l’Exposition Universelle de Vienne. Voulue évidemment grandiose et destinée à impressionner les visiteurs venus du monde entier, elle a été préparée en amont pendant plusieurs années, et a été l’occasion de grands travaux dans la ville pour l’accueillir, à l’initiative de l’Empereur d’Autriche-Hongrie François-Joseph.

Et ce faisant, les prix de l’immobilier à Vienne n’ont pas arrêté de grimper pendant toute la période de préparation. En quelques mois, on est passé du simple au triple. Le tout financé à grand coup d’emprunts hypothécaires souscrits auprès des banques. D’où une énorme bulle spéculative qui menace d’éclater.

Faillites bancaires en série 

Les facteurs déclenchants sont multiples, mais il est établi que le changement d’étalon pour valoriser la monnaie américaine, passant de l’argent à l’or à cette période, a été une des raisons principales de la catastrophe qui s’annonce. Subitement, tous les avoir en argent-métal et les valeurs minières voient leur valeur s’effondrer, provoquant une réaction logique de recherche d’actifs sûrs de la part des banques, surtout au lendemain d’un contexte de marché de guerre, après 1870.

Toutes les banques sont donc à la recherche de valeurs sûres, sonnantes et trébuchantes, et tentent de liquider en même temps ces créances immobilières qui grèvent leur bilan. Résultat le marché devient rapidement saturé, de nombreuses banques viennoises font faillite, malgré plusieurs plans de liquidité d’urgence. Les clients se pressent à leur guichet pour retirer tous leurs avoirs, accélérant le phénomène de panne de liquidité.

Du Krach au Bank-Run

Même la prestigieuse Banque Rothschild doit faire face à un afflux de clients inquiets qui se pressent au guichet. Et à l’époque, les locaux de la grande maison se trouvent en face du palais impérial de François-Joseph… Ce dernier, revenant d’une partie de chasse de plusieurs jours, et n’ayant pas eu connaissance de ce qui se tramait, est excédé par cette foule qui se presse devant la banque dans un brouhaha indescriptible.

Il convoque sur-le-champ le Baron de Rothschild, lui demandant ce que signifie tout ce vacarme sous ses fenêtres… ce qui en Allemand donne : " Welcher dieser Krach ist ??"… le Baron de Rothschild lui répond que ce vacarme est une panique bancaire (traduite souvent "Bank Run"), prélude à un grand vacarme à la bourse. En résultera effectivement un "krach" retentissant, qui provoquera la fermeture pendant plusieurs semaines de la bourse de Vienne, et même une panique générale à Wall Street quelques mois plus tard. Ainsi venait de se dérouler le premier "Krach" de l’histoire, désigné comme tel.

Marché de correction

Mais encore une fois le krach n’est pas une situation de marché quantifiable, ou un concept théorique. Pour aider le marché, plusieurs termes précis s’appliquent, et en cela, les seuils de 10 ou 20% de baisse (ou de hausse) sont des éléments d’analyse de tendance fiables.

Si un indice, une valeur ou un actif donné perd 10% par rapport à ses derniers plus hauts, on peut parler de "tendance de correction", instillant une période de baisse prolongée sur les cours. Il est généralement temps pour les boursiers d’en profiter pour prendre des profits, mais aussi de revenir éventuellement à l’achat une fois que ces 10% sont "nettoyés". Le phénomène est le même à la hausse, plus de 10% de gagnés par rapport aux derniers plus bas, et s’enclenche ainsi une tendance haussière.

Bear et Bull Market

Et puis si jamais la baisse atteint 20% par rapport aux derniers plus bas, là on passe directement dans une situation de "Bear Market", marché fortement baissier, où il est question pour le coup de liquider ses positions purement et simplement, de ne pas chercher les opportunités de retour sur le marché. Il s’agit de liquider ses positions et de se maintenir à l’écart.

Même chose pour le "Bull Market", 20% de gagnés par rapport aux derniers planchers, et s’enclenche une tendance haussière prolongée, où tous les niveaux sont bons pour placer des achats et être sûr de voir son investissement fructifier.

Bref, seule l’histoire détermine ce qu’est un Krach ou pas, avec le recul historique nécessaire, principalement dans le souci de ne pas paniquer les investisseurs outre mesure! Mais une chose est sûre, selon les critères boursiers reconnus internationalement, la bourse de Shanghai subit en ce moment une tendance baissière importante sur la semaine écoulée à plus de 12% de baisse, et une grosse situation de Bear Market depuis les plus hauts d’il y a 3 semaines -27%, la plus forte situation du genre sans doute de toute son histoire.

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Antoine Larigaudrie