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Quand le ministre irlandais des Finances mise tout sur l’or

Michael Noonan, ici avec le Commissaire Européen Pierre Moscovici, est-il à l'aubre d'un formidable coup de bourse, ou dune erreur stratégique majeure ?

Michael Noonan, ici avec le Commissaire Européen Pierre Moscovici, est-il à l'aubre d'un formidable coup de bourse, ou dune erreur stratégique majeure ? - Emmanuel Dunand - AFP

Stupeur à la une de la presse irlandaise le week-end dernier. Le Ministre des Finances de l’économie la plus dynamique de la zone euro a soldé quasiment tout son portefeuille d’actions européennes pour acheter de l’or. Stratégie d’investissement pour le moins à contre-marché, mais qui commence à faire réfléchir.

Le moins qu’on puisse dire c’est que le Ministre des Finances irlandais Michaël Noonan est ce qu’on appelle un investisseur "contrarian". Celui qui va aller précisément contre la doxa et la tendance générale de marché pour trouver la bonne affaire à faire.

Et comme l’Irlande est un pays ou la loi oblige ses dirigeants à publier régulièrement leur patrimoine en valeurs mobillières, dans un souci de transparence, on sait rapidement qui fait quoi. Et ce que fait Michaël Noonan est d’autant plus regardé que c’est un investisseur très avisé, il est notamment connu notamment pour un joli coup de bourse sur le secteur bancaire américain en 2011, qui lui rapporté de confortables profits, puisque ses placements sur la période ont fait +20%.

Une décision qui laisse perplexe

Et ses dernières décisions d’investissements ont de quoi étonner. Il a vendu l’année dernière une portion très importante de ses placements en actions, et notamment action européennes, investies via un ETF (instrument financier qui réplique les performances d’un actif précis) indexé sur l’indice Eurostox50, et a utilisé le capital et les plus-values pour investir dans des produits qui suivent les cours de l’or !

Décision pour le moins étonnante, tant de l’avis général les actions européennes sont l’actif à ne pas rater par excellence, configuration de marché rendue possible grâce notamment à la politique ultra-accommodante de la BCE qui n’en est qu’à ses débuts, et qui est sensée durer plusieurs années.

Ni lingots ni pièces…

Et le replacement dans le même temps sur l’or est encore plus étonnant, étant donné que cet actif n’offre plus de rendement, et qui perd 30% sur 3 ans, après certes avoir touché des plus hauts historiques, mais précisément dans un contexte d’incertitude monétaire extrême.

De plus il est à noter que ce ne sont pas des prises de positions sur de l’or physique, pièces ou lingots, placement traditionnels des grands-pères prévoyants… mais bien sur de l’ "Or Papier", des instruments financiers qui ne font que copier la performance de l’or.

L’heure des hypothèses

Donc on a même pas là l’avantage de la possession physique, le lingot qu’on retrouve sous un matelas, la pièce d’or transmise de génération en génération, le trésor enterré au fond du jardin… qui est toujours défendable dans une optique de placement de très très long terme !

Plusieurs hypothèses peuvent donc en être déduites, surtout au vu de ces décisions prises encore une fois par le Ministre des finances du pays le plus dynamique de la zone euro (l’Irlande devrait enregistrer cette année une croissance de 1.8 à 2.5%) 

Réflexe du "contrarian" ?

Soit le Ministre cherche à faire un pari boursier totalement à revers des tendances actuelles, technique généralement utilisée par les fonds spéculatifs. Mais on a bien vu que ces derniers, après plusieurs années difficiles, avaient dû arrêter avec cette méthode qui ne rapportait plus rien. Ils sont rentrés dans le rang, et investissent en masse, comme tout le monde, sur les actions européennes désormais…

Sans compter que la rotation de portefeuille effectuée par Michaël Noonan a été effectuée en grande partie à la fin de l’année dernière. Il a donc déjà manqué une hausse de 15 à 20% du marché. Pour un investisseur avisé, c’est plutôt curieux.

Craintes pour la Zone Euro ?

Autre hypothèse, une conviction forte que la baisse de l’Euro et sa dévaluation compétitive, ainsi que la politique de soutien de la BCE risquent de provoquer de tels déséquilibres qu’il va falloir s’écarter des actions et se replier sur l’or…

Idée défendable mais qui paraît tellement diamétralement opposée aux convictions de marché du moment, au moins sur les mois à venir, qu’elle paraît saugrenue pour un investisseur avisé. Même si personne, même le meilleur connaisseur du marché, n’est à l’abri d’une erreur, même grossière.

A moins que le Ministre des Finances d’Irlande ne dispose d’informations laissant à penser qu’un risque existe, et tellement sous-évalué qu’il nécessite de revoir complètement ses positions d’investissement, d’autant qu’il garde encore quelques positions sur les actions britanniques, donc précisément hors zone euro…

Antoine Larigaudrie