BFM Patrimoine
Placements

Quand les fabricants d’armes américains flambent en bourse…

Le titre Smith & Wesson coté à Wall Street gagne 342% sur 5 ans, soit le double de la progression d'Apple sur la même période.

Le titre Smith & Wesson coté à Wall Street gagne 342% sur 5 ans, soit le double de la progression d'Apple sur la même période. - Justin Sullivan - Getty Images North America - AFP

Situation a priori paradoxale, c’est précisément au moment où la classe politique américaine réfléchit à un encadrement plus sévère des ventes et de l’utilisation d’armes à feu, que les titres des grands armuriers explosent à la bourse. Et ce n’est sans doute pas près de s’arrêter.

Séance faste lundi soir pour les grands fabricants américains d’armes à feu. Le plus célèbre d’entre eux, Smith & Wesson, a gagné 7.3%, suivi de près par un autre grand nom du secteur, Sturm & Ruger, qui a pris 2.7%. Une montée en flèche qui ne date pas d’hier, puisque depuis le début de l’année ces deux titres grimpent respectivement de 80 et 70%.

C’est particulièrement spectaculaire sur Smith & Wesson, si on regarde sur le long terme. Depuis le 1er janvier, il signe la meilleure performance de tout le S&P500, juste derrière Netflix. Et sur 5 ans, le titre du fabricant présente un retour sur investissement de 320%, le double de celui d’Apple !

Un symbole de l'Amérique

Comment expliquer la hausse, forte et continue, de ce secteur particulier en bourse? Déjà parce qu’aux Etats-Unis, il est considéré comme un investissement qui résiste à peu près à tout, et qui est un peu un symbole de l’Amérique, tout comme PepsiCo, Coca-Cola, Philip Morris ou Harley Davidson.

Ensuite parce que malgré un taux d’équipement plus que convenable sur le papier (entre 300 et 400 millions d’armes pour autant d’habitants), et malgré une accélération notable des tueries de masse aux Etats Unis ces 20 dernières années, même dernièrement dans l’Orégon, la frénésie des achats d’armes ne se tarit pas.

Les effets pervers d'un durcissement réglementaire

Et ce malgré un environnement réglementaire qui pourrait changer sous peu. La preuve, ce sont les récentes déclarations d’Hilary Clinton, en faveur d’un durcissement de la législation, qui ont cet effet très sensible et pourtant paradoxal sur le cours des fabricants d’armes.

Déjà parce qu’à court terme, toute tentative de limiter la vente ou l’usage de ces armes va avoir un effet totalement inverse: tout le monde va se ruer chez son marchand d’armes le plus proche pour s’en procurer le plus possible, avant que les lois ne changent.

Le sacrosaint 2ème Amendement

Deuxièmement, l’histoire américaine l’a montré, malgré les 30 000 décès par arme à feu recensés aux Etats Unis annuellement, et la recrudescence des massacres de masse ces derniers mois, toute les tentatives de mieux contrôler les armes se sont heurtées à une barrière jusque-là infranchissable : le 2ème Amendement à la Constitution des Etats-Unis.

Ce dernier rend de fait toute limitation impossible, car il garantit au plus haut niveau la possession d'armes à feu dans le pays. Certes soumise à certaines restrictions réglementaires, mais rien ne saurait entraver le droit de chaque américain à posséder une arme.

Les armes en bourse : une martingale?

Les actions des fabricants d’armes sont donc sans doute les plus parfaits des produits spéculatifs à la bourse américaine. Car ils permettent de jouer à court terme l’effet de panique sur les ventes quand la classe politique veut légiférer avant les élections, et la poursuite de la hausse quand on constate qu’aucune nouvelle restriction n’est possible !

C’est donc une sorte de cagnotte permanente et renouvelable, et particulièrement depuis l’arrivée de l’administration Obama. Elle a souhaité de manière continuelle durcir la législation sans vraiment y arriver, entretenant le phénomène. 

Des ventes au plus haut historique

Et malgré les milliers de morts chaque année et une classe politique très remontée, fort peu d’analystes en sont à craindre un éventuel effet négatif sur les ventes d'armes de poing, au contraire.

Pour Smith & Wesson, on sort d’un record absolu en matière de ventes annuelles sur 2014, à 626 millions de dollars, et Sturm & Ruger reste proche de ses niveaux de ventes historiques de l’année 2013. 2015 s’annonce donc comme une année encore florissante à ce niveau...

Antoine Larigaudrie