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Total mis en examen dans le dossier "Pétrole contre nourriture"

Le groupe pétrolier Total est mis en examen en tant que personne morale dans le dossier "Pétrole contre nourriture" mis en place pour faire face aux besoins humanitaires lié à l'embargo imposé à l'Irak. /Photo d'archives/REUTERS/Stephen Hird

Le groupe pétrolier Total est mis en examen en tant que personne morale dans le dossier "Pétrole contre nourriture" mis en place pour faire face aux besoins humanitaires lié à l'embargo imposé à l'Irak. /Photo d'archives/REUTERS/Stephen Hird - -

PARIS - Le groupe pétrolier Total fait savoir dans son rapport annuel qu'il est mis en examen en tant que personne morale dans le dossier "Pétrole...

PARIS (Reuters) - Le groupe pétrolier Total a été mis en examen le 22 février pour corruption dans une enquête conduite à Paris et visant le programme de l'Onu "pétrole contre nourriture" mis en place entre 1996 et 2003 dans l'Irak de Saddam Hussein.

Cette décision, tenue secrète jusqu'alors, a été rendue publique par la société française dans son rapport annuel et confirmée à Reuters mardi par le parquet de Paris.

Total SA, première société française et troisième groupe pétrolier européen, est mise en cause comme personne morale pour "corruption d'agents publics étrangers, complicité et recel de trafic d'influence".

Son directeur juridique, Peter Herbel, a dit à Reuters qu'il jugeait cette décision "surprenante", car prise huit ans après le début de l'instruction, et trois ans après la clôture des investigations, sans aucun élément d'enquête nouveau.

Sont en cause des paiements supplémentaires ou "surcharges" payés par Total pour acquérir des cargaisons de pétrole irakien, et constatés par l'Onu. L'argent est allé dans les caisses de l'Etat irakien.

Total affirme n'avoir rien su de ces surcharges. "Il n'y a donc eu aucune corruption et aucune violation des règles de l'Onu", estime Peter Herbel.

L'instruction, menée à partir de 2002 par l'ex-juge d'instruction Philippe Courroye, était terminée depuis avril 2007 et avait débouché sur la mise en examen de l'actuel patron de Total, Christophe de Margerie, en tant qu'ancien directeur pour le Moyen-Orient, ainsi que de cinq autres cadres de Total.

Depuis, le dossier semblait prendre la voie de l'oubli. Après plus de deux ans d'attente, le procureur avait requis en septembre dernier un non-lieu quasi général pour notamment Christophe de Margerie et les cadres de Total.

PASQUA MIS EN EXAMEN

Selon le parquet, il n'y a pas de "corruption d'agent public étranger", délit introduit en 2000.

Le juge d'instruction Serge Tournaire, qui a repris le dossier, a mis en examen Total, en faisant valoir une autre analyse juridique, car il interprète les "surcharges" comme de la corruption, dit-on de source judiciaire.

Les auditions vont reprendre et le terme de l'instruction est donc repoussé vraisemblablement de plusieurs mois, peut-être de plusieurs années. Le renvoi en correctionnelle de Total par le juge Tournaire apparaît comme probable.

Mis en oeuvre entre 1996 et 2003 en Irak, le programme "pétrole contre nourriture" était censé soulager les souffrances endurées par le peuple irakien du fait de l'embargo imposé après la première guerre du Golfe au pays dirigé par Saddam Hussein.

Selon l'enquête de l'Onu terminée en 2005, il a permis à l'Irak de vendre plus de 64 milliards de dollars de pétrole à 248 sociétés choisies par Bagdad, dont 139 ont payé 229 millions de dollars de "surcharges".

En retour, des biens de consommation ont été vendus par 3.614 sociétés, 2.253 ayant accepté de verser des pots-de-vin d'un total de plus d'un milliard de dollars, selon ce rapport.

Paul Volcker, auteur de l'enquête, a conclu que Saddam Hussein avait sciemment favorisé des sociétés pétrolières issues de pays supposés lui être plus favorables au Conseil de sécurité de l'Onu, d'abord la Russie et ensuite la France.

Sont aussi mis en examen en France des bénéficiaires présumés des largesses du régime de Saddam Hussein, sur la base d'une liste établie par l'Onu.

Ces personnalités auraient perçu de l'argent sous forme de "coupons" pétroliers ou droits de tirage, revendus ensuite à des sociétés habilitées à extraire le brut irakien, dont Total. Là encore, Total dit n'avoir pas connu les bénéficiaires initiaux.

Outre Charles Pasqua (ministre de l'Intérieur de 1993 à 1995), il s'agit de Serge Boidevaix, ex-secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, Jean-Bernard Mérimée, représentant de la France à l'Onu de 1991 à 1995, Gilles Munier, secrétaire général de l'Association des amitiés franco-irakiennes, Michel Grimard, ex-membre du conseil national du RPR, ou Claude Kaspereit, fils d'une figure du gaullisme.

Thierry Lévêque, édité par Sophie Louet