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Twitter victime d’une arnaque boursière sans précédent

Le canular qui a provoqué hier une flambée, puis une dégringolade boursière du titre Twitter dans la même journée, constitue sans doute une première dans l'histoire boursière américaine.

Le canular qui a provoqué hier une flambée, puis une dégringolade boursière du titre Twitter dans la même journée, constitue sans doute une première dans l'histoire boursière américaine. - Emmanuel Dunand - AFP

C’est une histoire de fous qui a animé la séance à Wall Street hier soir autour de Twitter. Le titre a gagné jusqu’à 7,7% sur fond de rumeurs d’offre sur le réseau social, propagées par une source en apparence fiable… qui s’est avérée totalement fausse elle aussi.

Alerte sur Twitter ! Mardi 14 juillet, aux alentours de 11h44 heure de New York, le titre s’envole, les traders achètent en masse, si bien que les volumes sur le titre Twitter atteignent des records, 40 millions de titres négociés, le double d’une journée moyenne… et surtout l’action Twitter devient en quelques minutes en tête des valeurs les plus traitées sur le New York Stock Exchange.

La raison de ce brusque envol ? Une dépêche dont les traders s’échangent le lien internet à qui mieux-mieux, renvoyant sur le site bloomberg.markets. Effectivement une dépêche fort bien écrite, d’une source digne de foi, informe qu’un prédateur non-identifié va déposer une offre de rachat à 31 milliards de dollars sur Twitter, recoupant les récentes rumeurs autour du titre, évoquant notamment un intérêt certain de la part de Google.

Bloomberg ou pas Bloomberg ?

On achète donc en masse le titre, qui prend jusqu’à 7,7% en quelques minutes et monte à 38,54 dollars, un plus haut d’un mois, avant de commencer à retomber au bout de 10 minutes. L’agence Bloomberg dément formellement avoir publié une telle dépêche, et dit ne pas connaître le site internet bloomberg.markets.

Stupeur chez les traders qui vérifient le lien, qui renvoie toujours sur le site en question… Mais à y bien regarder effectivement bloomberg.makets ne semble pas avoir de lien avec celui de l’agence Bloomberg, malgré un visuel identique et des outils similaires. Et effectivement à aucun moment son architecture ne renvoie au site officiel de l’agence.

Une fausse dépêche relayée par… un faux site !

Alors qui est derrière ce mystérieux faux site ? Certains analystes et traders de Wall Street, un peu échaudés par l’affaire, commencent à farfouiller les registres des dépôts de noms de domaines américains, pour essayer de trouver trace de ce fameux bloomberg.markets. Et stupeur encore, ils retrouvent une demande de dépôt du nom exact, datant… du 10 juillet 2015, donc 4 jours avant cette rocambolesque affaire !

De plus, il a été déposé via une société de domiciliation de site basée au Panama, servant en quelque sorte d’écran pour dissimuler l’identité exacte et les identifiants des personnes en question. Un signe de plus que Wall Street a encore été victime d’un gigantesque canular. Et comme par hasard, quelques minutes après cette agitation, le site bloomberg.markets a comme par magie disparu des internets…

2ème raid en fin de séance

L’histoire n’est pas finie. Après cette flambée de 7,7% qui aura duré 10 minutes, le titre Twitter retombe, mais reste en hausse de 2 à 3%. Mais à 16h04 précises, heure de Wall Street, l’action plonge d’un coup et tombe sur son strict niveau d’ouverture, à 35,78 dollars, après un afflux d’ordre de vente.

Et puis, encore 3 minutes après, elle repart exactement d’où elle venait quelques minutes avant, à 36,78 dollars, en hausse de 2,66%. Il est 16h13 et le titre Twitter vient d’être victime du 2ème hold-up de la journée.

2015, année des arnaques boursières à Wall Street

Une affaire bien curieuse qui laisse aux traders un goût amer, et l’impression d’avoir été roulés dans la farine. Surtout que les mouvements inhabituels sur le titre à deux moments de la journée distinct montrent bien qu’il y a anguille sous roche, et que certains petits malins ont sans doute dû se remplir les poches confortablement avec cette arnaque remarquablement bien ficelée.

L’affaire va sans doute faire l’objet d’une enquête de la SEC, de l’autorité boursière américaine, encore une… car il faut bien reconnaître que cette année 2015 s’annonce record en termes d’arnaques boursières.

La sécurité numérique encore en question

L’affaire Twitter arrive quand même quasiment 2 mois jour pour jour après la non moins rocambolesque affaire de la fausse OPA-fantôme sur le spécialiste des cosmétiques Avon, qui avait déjà démontré les failles du système d’enregistrement des offres financières, face à des escrocs utilisant en plus des méthodes relativement simples.

Ajoutez à cela une série de bugs techniques retentissants à la bourse de New York cette année, et les traders auront sans doute fait le plein d’arguments pour alimenter le débat toujours vivaces aux Etats Unis sur la sécurité des transactions financières, jugée par une très grande majorité comme défaillante.

Antoine Larigaudrie