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Vers une taxe sur le trading haute fréquence en France?

La commission des Finances du Sénat a adopté, mercredi, un amendement pour taxer le trading à haute fréquence.

La commission des Finances du Sénat a adopté, mercredi, un amendement pour taxer le trading à haute fréquence. - -

La commission des Finances du Sénat a adopté mercredi un amendement inédit au projet de budget pour 2012 créant une "taxe sur les transactions automatisées". Elle est destinée à limiter l'essor du trading haute fréquence. La France est le premier pays à voter une telle taxe. Décryptage.

Qu’est-ce que le trading haute fréquence?

Le trading haute fréquence, ou algorithmique, consiste à utiliser la puissance des ordinateurs pour transmettre au marché un très grand nombre d’ordres à une fréquence élevée. Majoritairement, des ordres préenregistrés: les machines sont programmées pour vendre ou acheter à partir d’un seuil préétabli.

Ces opérations de court terme visent à faire de petits bénéfices sur des micro-variations de cours d’une minute sur l’autre. Vu le nombre d’opérations et la vitesse à laquelle elles s’effectuent, ces petits bénéfices, cumulés les uns aux autres, finissent par constituer des plus-values conséquentes.

Ces opérations restent extrêmement opaques. D’abord du fait de leur multiplicité: ce sont des milliers d’ordres et de contre-ordres envoyés à la seconde. A New York, on estime que plus de 25% des échanges boursiers relèvent du trading haute fréquence.

Que lui reprochent les régulateurs?

Pour Jacques de Larosière, le président de l’Observatoire de l’épargne européenne, "cette pratique offre de nouvelles facultés d’abus de marché et de manipulation des cours. Elle oblige ainsi les autorités de surveillance à se doter d’outils très sophistiqués pour détecter les abus des marchés et protéger les investisseurs".

La manipulation de cours peut être obtenue en envoyant des ordres en masse, ce qui influe sur la valeur d’un titre, avant de les annuler. Une des caractéristiques principales des échanges liés au trading à haute fréquence est justement un taux d’annulation très élevé, estimé à plus de 90% par les pouvoirs publics.

Alors, selon la Commission des Finances au Sénat: "Le trading à haute fréquence illustre un dévoiement des marchés, centrés sur eux-mêmes et sur le très court terme, livrés aux automates de trading, sans visibilité pour les investisseurs et les émetteurs, ni apport pour l’économie réelle."

Comment taxer des opérations invisibles?

Le communiqué de la Commission des finances au Sénat entend mettre en place "à compter du 1er janvier 2012, une taxe due selon une périodicité mensuelle par certains prestataires de service d'investissement en cas de dépassement quotidien d'un taux d'annulation de 50% des ordres d'achat ou de vente d'instruments financiers qu'ils transmettent à des marchés considérés comme transparents".

Si la formulation est si compliquée, c’est parce qu’il est impossible, dans la masse des échanges boursiers, de trier le bon grain de l’ivraie. Autrement dit, de faire la différence entre les investissements que les sénateurs considèrent comme "normaux", destinés à financer l’économie réelle, et le trading à haute fréquence.

C’est pourquoi cette taxe vise les opérations dont les caractéristiques sont très similaires à celles liées au trading à haute fréquence, comme un fort taux d’annulation. Toutefois, d’autres opérations que celles relevant de la pratique visée peuvent aussi avoir ces caractéristiques.

Cette taxe a-t-elle des chances d’aboutir?

Nicole Bricq, la présidente socialiste de cette Commission des finances et rapporteur de cet amendement, est plutôt optimiste. "Tout le monde est pour. En tout cas, à la Commission des finances, je n’ai pas entendu beaucoup d’opposition. Maintenant, il faut avancer."

Cette taxe a été votée par la majorité de gauche sénatoriale lors de l'examen du projet de loi de Finance. Mais en dernier lieu, c’est sur les députés à l’Assemblée nationale, à majorité UMP, que repose la ratification de cette loi.

Pour autant, la droite ne semble pas farouchement hostile à une telle taxe: le ministre de l'Economie, François Baroin, a affirmé mercredi que la France devait répondre aux défis posés par les transactions à haute fréquence, ajoutant qu'il s'agissait d'un sujet "très surveillé".

Nina Godart