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VIDEO - Le krach de 1987 ou l'impuissance de l'homme face à la machine

Wall Street avait perdu plus de 22%

Wall Street avait perdu plus de 22% - Maria Bastone - AFP

Le 19 octobre 1987, Wall Street perd 22% en une seule séance, la pire dégringolade de son histoire. Marc Fiorentino travaillait à l'époque pour une banque d'affaires américaine. Le financier décrit comment la situation s'est emballée alors que paradoxalement, l'économie mondiale allait très bien.

Le lundi le plus noir de l'histoire de la finance américaine a trente ans. Le 19 octobre, Wall Street clôturait sur une baisse historique de 22,6% (la pire en pourcentage), une dégringolade presque deux fois plus forte que lors du summum de la crise de 1929 (-12,8%). Dans son sillage, les autres marchés chuteront lourdement: Paris résistera assez bien avec -9%, Hong Kong s'effondrera (-46%).

Bien des années après cette événement marquant, la littérature académique a continué d'étudier les raisons qui ont conduit les marchés à s'effondrer. En 2006, la Réserve fédérale américaine avait ainsi publié une étude dans laquelle elle soulignait notamment que les années précédentes, les marchés avaient connu une période faste, où les cours avait largement dépassé leurs fondamentaux économiques (comme les ratios de valorisation établis à partir des bénéfices). Le marché était ainsi surévalué.

"Les marchés étaient très chers", abonde Marc Fiorentino, dirigeant d'Euroland Corporate et chroniqueur sur BFM Business. À l'époque le financier travaillait dans une banque d'affaires, dirigeant une équipe constituée de vendeurs et traders. "Nous étions vraiment au cœur du système et cela a été un des événements les plus importants de ma vie professionnelle".

Les signes-avant-coureurs du krach étaient déjà visibles dès l'été. "Il y avait des signes de nervosité en août, et déjà une certaine fébrilité s'installait", confie-t-il.

"Le marché tombe comme une pierre"

Le krach "commence" le vendredi avec une baisse du marché de 4%. Puis "tout s'est passé durant le week-end avec une montée absolue du stress. On s'est tous téléphoné et on passait notre temps à se demander ce qui se passait. On savait que lundi allait être une journée dramatique", poursuit Marc Fiorentino.

Le lundi, une salve de mauvaises nouvelles arrive, avec un déficit commercial américain plus fort que prévu et une hausse des taux d'intérêt en Allemagne. "Le marché tombe comme une pierre, on n'a même pas eu le temps de réagir. Nous étions spectateurs", explique le financier.

Car ce krach survient alors que le marché connaît des conditions inédites. De nouveaux outils viennent en effet d'être créés. Tout d'abord, 1987 marque le début du trading automatique (qu'on qualifie aujourd'hui "d'algo-trading"). Ensuite, les systèmes de couverture, qui permettent de se prémunir d'une baisse du marché, viennent d'apparaître. Comme le souligne le rapport de la Fed de 2006, le développement de ces derniers instruments financiers avait conduit les traders à développer une stratégie pour profiter de l'écart de prix entre ces produits dérivés et le marché: acheter ces instruments et vendre les actions correspondantes.

"Un krach financier et non économique"

"On a alors eu un test en temps réel de ces deux systèmes totalement nouveaux dans un environnement dans lequel on les a jamais testés", souligne Marc Fiorentino.

"Les traders se sont retrouvés face à des systèmes qui ont amplifié le mouvement et la plupart des gérants, qui n'étaient pas des gérants n'ont rien fait. Personne n'a eu le temps de réagir", raconte-t-il. "Tous les éléments d'un krach étaient en place", résume-t-il.

Chose inédite: des bourses ferment, comme celle de Hong Kong. Mais pas à New York. "À l'époque il n'y avait alors pas le système des coupe-circuit car on ne connaissait pas l'incidence du trading automatique et on n'imaginait pas des baisses supérieures à 5-10%", rappelle Marc Fiorentino.

La panique ira au bout, les marchés s'effondreront, puis la Fed viendra "sauver le marché" en injectant des liquidités.

Le grand paradoxe de ce krach est qu'il survient alors que "l'on n'est pas en période de crise, on est dans une période économique faste, la croissance est bonne. On efface tout le krach de 1987 en moins de deux ans", développe Marc Fiorentino. Il s'agissait "d'un krach financier et non économique".

J.M.