Les Espagnols déplorent d'être désormais moins riches que les Tchèques

L'Espagne avait l'Allemagne et la France en ligne de mire. Las, elle a été rattrapée et depassée par la République Tchèque. Selon les données du FMI confirmées par Eurostat, le PIB par habitant des Espagnols est désormais inférieur à celui des Tchèques.

Selon le FMI, le pays qui sortait du communisme avait en 1995 un PIB PPA par habitant (corrigé des disparités de pouvoir d'achat monétaires) 22% inférieur à celui de l'Espagne. Cette année-là un Tchèque produisait en moyenne 14.174 dollars de biens et services quand un Espagnol produisait lui 18.393 dollars.

Un écart significatif qui n'a cessé depuis de diminuer. Jusqu'à l'inversion des courbes en 2020. L'année dernière ce PIB PPA par tête a atteint 40.293 euros pour les Tchèques contre 38.143 euros pour les Espagnols et même 40.065 euros pour les Italiens. La République Tchèque est devenue en 25 ans plus riche que deux des pays du bloc occidental. Et avec un PIB par tête de 45.454 euros, la France n'est plus très loin non plus.

"L'Estonie, la Lituanie et la Slovénie sont proches, observe le journal El Pais. Le sorpasso (le dépassement) confirme l'échec de l'Espagne qui avant la crise de 2008, propulsée par la bulle immobilière, avait réduit la distance avec les pays les plus avancés. Mais depuis lors, elle perd des positions avec les pays du nord, stagne avec l'Italie et la France, et les pays de l'est lui reprennent du terrain."

Alors que l'Espagne avait dépassé l'Italie en 2007 et les Espagnols étaient en moyenne plus riches que la moyenne européenne (indice 105, 100 étant la moyenne européenne), l'Espagne a fortement reculé depuis 2008 et la crise du Covid a été plus violente qu'ailleurs. Selon Eurostat, les Espagnols sont désormais à 91% de la moyenne européenne, soit 14 points de moins qu'à la fin des années 2000.

Un taux de chômage de 16%

Les Espagnols ne sont pas appauvris en 13 ans, ils ont simplement stagné quand les pays de l'est et notamment la République Tchèque progressaient plus fortement. Le pays est devenu le sous-traitant de choix de l'industrie allemande avec sa main d'oeuvre moins coûteuse et sa fiscalité attractive. Le pays est ainsi classé 8ème à l'index de l'attractivité fiscale au sein de OCDE quand l'Espagne est 27ème et la France 32ème. Si l'impôt sur le revenu y est bien moins élevé que dans le reste de l'Europe occidental (taux fixe de 15%), c'est surtout l'impôt sur les sociétés qui explique l'attrait des entreprises. Il est fixé à 19% des bénéfices en République Tchèque contre 25% en Espagne et entre 28 et 31% en France.

Le quotidien El Pais pointe de son côté un taux de chômage endémique de l'Espagne. Il atteint 16% dans la péninsule ibérique contre seulement 3% en République Tchèque. Un déficit de production associé à une productivité plus faible.

"Nous nous sommes développés en investissant dans des activités improductives telles que la construction, mais sans améliorer l'efficacité et la productivité", analyse l'historien économique Leandro Prados de la Escosura dans El Pais.

Résultat le "made in Spain" n'attire pas les entreprises. D'autant que le pays souffre d'un déficit de formation.

"En Espagne, 30% des jeunes adultes n'ont au maximum que l'enseignement secondaire obligatoire, relève El Pais. En République tchèque, ce nombre de personnes de peu qualifiées tombe à 7%. En outre, la République tchèque dépense un demi-point de PIB de plus par an que l'Espagne en R&D. Et ses finances publiques sont plus saines."

Investir dans la formation, améliorer sa productivité, endiguer son chômage... Les chantiers de l'Espagne de l'après-Covid sont colossaux.

https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco