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Economie

L'OCDE et les réformes de papier

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C’est bien l’incapacité de la France à conduire ses réformes qui provoque le séisme.

Mais où vont-ils les chercher ? Dans un document dont Les Echos ont obtenu une copie et qui doit être publié aujourd’hui, l’OCDE évalue l’impact sur la croissance des réformes engagées ou annoncées par l’exécutif : 1,6 point de PIB cumulé sur 5 ans et 3,7 points sur 10 ans.

Où vont-ils les chercher? Dans des phrases, des mots, d’autres rapports, ils vont les chercher dans l’illusion de réforme qui tient lieu de réforme, certainement pas sur le terrain. 

Réforme du marché du travail ? Entre … 2 et 4 plans de sauvegarde d’emploi ont été signés par les entreprises depuis l’accord national interprofessionnel censé porter un nouveau dispositif. Pourquoi ? Parce qu’il est inapplicable dans le monde réel.

CICE ? 4 milliard d’Euros en tout et pour tous ont été injectés dans l’économie. Plus grave, les entreprises sont catégoriques, elles ne prendront pas un seul engagement de long terme gagé sur ce CICE, tellement il semble fragile. Le patron de Lamberet (PME, industrie, poids lourd, région lyonnaise) résume les choses ainsi : « c’est un verre d’eau, sur le moment ça fait du bien, on avait tous soif, mais ça ne nourrit pas ». Penser, comme le fait l’OCDE, qu’il puisse y avoir le moindre effet de croissance structurel dans ce dispositif, c’est une fois encore, se contenter de réformes de papier.

Est-il besoin d’égrener la réforme territoriale ? Le choc de simplification ? la réforme des professions réglementées ? je vous en fait grâce, j’ajoute pourtant le compte pénibilité, ce que visiblement ne fait pas l’OCDE. Et pourquoi donc ?

La séquence des dernières heures est significatives : la mise sous conditions de ressource des allocations familiales vient renier la parole de l’Etat sur la fiscalité (l’OCDE n’en attendait de toute façon que 0,1 point de sursaut de croissance), cette nuit le gouvernement a dû se battre avec force pour bloquer des amendements sur le CICE, enfin Ségolène Royal envisage de « casser » le contrat qui lie la France à Ecomouv’. Ce dernier point est le plus grave. Moody’s dans son dernier avis sur le pays insistait sur la qualité renouvelée de notre signature. Y toucher, c’est nous mettre en péril.

J’en viens au séisme sur les marchés. Figurez-vous que ces calculs de l’OCDE, d’autres les ont faits avant. Une note de la Société Générale avait même inventé le concept de « Hollandomics » (en référence aux révolutionnaires Abenomics du 1er ministre japonais) et la même note portait le CAC bien au-dessus des 5000 points. CQFD. Ne cherchez plus. Dans le faisceau d’explications qui permettent de comprendre la tourmente (doutes sur l’économie américaine, faiblesse allemande etc…) la France tient une place centrale. C’est bien la perte des dernières illusions sur la France qui provoque de nouvelles inquiétudes structurelles (ont dit systémiques) sur la solidité de la zone Euro. Parce que toucher la France, c'est bien toucher le coeur.

Depuis longtemps déjà les chefs d’entreprise n’écoutent plus la parole politique. Maintenant ce sont les marchés qui se fatiguent des réformes de papier. Quand viendra le temps des organismes internationaux, il sera sans doute trop tard

Stéphane Soumier