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Assurance chômage: syndicats et patronat gagnent du temps

Le siège du Medef à Paris dans le VIIe arrondissement.

Le siège du Medef à Paris dans le VIIe arrondissement. - Franck Fife / AFP

Les partenaires sociaux se donnent une semaine supplémentaire pour tomber d'accord sur un projet commun de réforme de l'assurance chômage. Le temps de faire pression sur le gouvernement?

Ce devait être la réunion de la dernière chance. Finalement, syndicats et patronat vont jouer les prolongations. Le gouvernement leur avait donné jusqu'à jeudi pour proposer un projet commun sur l'assurance chômage, à partir des promesses de campagne d'Emmanuel Macron. Faute d’accord, ils ont décidé de se revoir dans une semaine, le 22 février, pour une ultime tentative. "Il n'y aura pas d'autre réunion que celle de jeudi prochain", a prévenu le patronat.

La question des contrats courts cristallise la discorde entre les négociateurs. Candidat, Emmanuel Macron avait promis de mettre en place un dispositif de bonus-malus pour pénaliser les entreprises qui abusent des contrats précaires. Le patronat veut bien ouvrir des négociations au niveau des branches, mais refuse de signer un projet qui prévoit des sanctions. À l’inverse, les syndicats en ont fait une condition sine qua non.

Problème, en l’absence de compromis, le gouvernement avait prévenu qu’il reprendrait la main sur le projet de réforme et tant pis pour les partenaires sociaux. Après la réunion d’hier, qualifiée de "consternante" et "crispante" par des représentants syndicaux, on voit mal comment les négociateurs pourraient tomber d’accord. De ce point de vue, la prolongation des discussions ressemble davantage à une stratégie pour gagner du temps et faire pression sur le gouvernement. Explications.

Le bonus-malus sur les contrats courts

Lancée il y a un peu plus d'un mois, les négociations entre les partenaires sociaux ont buté sur la question du bonus-malus. L'idée est de récompenser ou de pénaliser les entreprises en fonction de leur "comportement" en matière d'embauches.

L'objectif est de réduire les recours excessifs aux contrats précaires qui coûtent cher à l'assurance chômage. Un chômeur indemnisé sur deux était en CDD ou en intérim avant de pointer à Pôle emploi, selon l'Unédic.

Concrètement, le dispositif prévoit que plus un employeur abuse de contrats courts, plus il devra payer des cotisations patronales élevées. Pour mémoire, celle-ci est actuellement fixée à 4,05% du salaire brut. Une fourchette allant de 2% à 10% ferait partie des schémas à l'étude, d'après les révélations des Échos en octobre.

"Une très mauvaise idée", selon Pierre Gattaz

Ce principe de bonus-malus, soutenu par certains syndicats comme Force ouvrière (FO), figurait dans le programme du candidat Macron, mais le patronat ne voulait pas en entendre parler. Ce dernier a formulé une contre-proposition pour encadrer les dérives dans les quatre secteurs les plus gourmands en CDD de moins d'un mois: l’intérim, le spectacle, l’hébergement-restauration et l’hébergement médico-social.

Les syndicats ont demandé d'élargir le principe à toutes les branches, mais surtout, ils refusent de signer un projet ne prévoyant pas de sanctions. Dans la nuit de mercredi à jeudi, le patronat a mis une goutte d’eau dans son vin en proposant aux syndicats d’inviter les autres branches à ouvrir des négociations sur la question de la précarité. En revanche, il est resté farouchement opposé à l'idée de définir des sanctions. 

"Le bonus-malus est une très mauvaise idée et nous ne serons pas complices d'un tel système", avait déjà affirmé le patron du Medef, Pierre Gattaz, début février.

"Jupiter a parfois des failles"

Bloquer et laisser le gouvernement reprendre la main et au risque qu'il impose le bonus-malus? L'idée n'a pas l'air de déranger le patron du Medef. "Ça ne me choque pas que de temps en temps, lorsqu'on a un gouvernement éclairé et pragmatique, il y ait une reprise en main" parce que les négociations ne vont "pas assez vite", avait confié Pierre Gattaz en février. Peut-être espère-t-il faire changer d'avis au gouvernement?

Cette éventualité inquiète les syndicats qui doutent de la volonté du gouvernement de mettre sa menace à exécution. Pour s'en assurer, ils demandent unanimement que l'exécutif s'exprime sur la question avant la prochaine séance.

"Il faut que le gouvernement prenne la parole, qu'il affirme qu'en tout état de cause, il mettra en place le bonus-malus" si les branches échouent, a exhorté Véronique Descacq (CFDT). "Le gouvernement doit nous rassurer", de préférence "par écrit", a abondé Michel Beaugas (FO). "Moi, je ne suis pas sûr que le gouvernement soit prêt", "Jupiter a parfois des failles", a-t-il ironisé.

Jean-Christophe Catalon avec AFP