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Emploi

Réforme du code du travail: ce qu'il faut retenir des annonces

Le Premier ministre et la ministre du Travail ont levé le voile sur la réforme du code du travail avec de nombreuses mesures.

Une réforme "ambitieuse, équilibrée et juste", voilà comment le Premier ministre, Édouard Philippe, a vanté la refonte du code du travail. Sa ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a elle évoqué un texte qui allait changer "l'état d'esprit du code du travail".

Les deux membres du gouvernement ont ainsi livré une salve de mesures, 36 au total, dont voici le détail.

> Délai de recours aux prud'hommes

Muriel Pénicaud a indiqué que les délais aujourd'hui variables (une année pour le licenciement économique et deux pour la majorité des autres recours) seront "harmonisés". Un salarié disposera désormais de douze mois pour contester devant le conseil des prud'hommes une décision le concernant.

> Un barème des indemnités prud'homales

Pour "donner de la visibilité aux deux parties (employeurs et employés)", le nouveau barème prévoit que les indemnités sont plafonnées à trois mois de salaire pour un salarié ayant jusqu'à deux ans d'ancienneté. Elles augmenteront ensuite progressivement selon le nombre d'années du salarié au sein de l'entreprise avec un plafond. Au-delà de 30 années d'ancienneté, il ne peut obtenir plus de 20 mois de salaire.

Le nouveau barème prévoit aussi un niveau minimum pour les indemnités accordées à un salarié contestant les conditions de son licenciement. S'il obtient gain de cause, le juge ne pourra pas lui accorder moins d'un demi-mois de salaire s'il travaille dans une TPE et un mois si son entreprise compte au moins 20 salariés. Ce plancher augmentera en fonction de l'ancienneté sans dépasser trois mois.

Seront exclus de ce nouveau barème les cas graves, à savoir les litiges pour discriminations ou harcèlement (moral et sexuel).

Point important: Muriel Pénicaud a précisé que "le vice de forme ne l'emportera plus sur le fond" aux prud'hommes. Ce qui signifie qu'un vice de forme n'empêchera pas un examen sur le fond. Et en cas de vice de forme lors d'un licenciement, la sanction ne pourra excéder un mois de dommages et intérêts.

> Hausse des indemnités légales de licenciement

Rappelant que les indemnités légales de licenciement sont "plutôt basses" en France, Muriel Pénicaud a annoncé qu'elles passeront de 20 à 25% du salaire mensuel par année d'ancienneté. Cette hausse entrera en vigueur dès septembre.

>Un plafond finalement bas pour négocier sans syndicat

C'était l'une des grandes demandes du patronat: permettre aux petites entreprises de négocier avec un élu qui n'est pas mandaté par un syndicat. "Les TPE sont les éternelles oubliées du droit du travail' a fait ainsi remarquer Édouard Philippe.

Il sera possible pour les entreprises de moins de 20 salariés de négocier avec un salarié qui n'est ni élu du personnel ni mandaté par un syndicat. Dans les sociétés employant entre 20 et 50 salariés, la négociation sera possible avec un salarié non mandaté par un syndicat mais il faudra néanmoins que celui-ci soit par ailleurs élu du personnel.

Le patronat souhaitait que ce seuil soit fixé à 300 salariés. Cette mesure risque de ne pas contenter grand-monde. À la sortie de leur réunion, FO et la CGT ont ainsi évoqué "un important point de désaccord" sur la possibilité de négocier avec un salarié non élu et non mandaté. Laurent Berger a évoqué son "inquiétude" sur le sujet.

> La validation des accords d'entreprises par les syndicats

Aujourd'hui pour qu'un accord d'entreprise soit valide, il faut qu'il soit signé avec des syndicats représentant 30% des voix aux élections professionnelles. Ce seuil va passer à 50%, non pas le 1er septembre 2019 mais le 1er mai 2018. "Il faut être cohérent" puisque "nous allons donner davantage de choix à la négociation", a expliqué Muriel Pénicaud.

> Un comité social et économique pour fusionner les instances représentatives

Édouard Philippe a donné le nom de l'instance qui regroupera le comité d'entreprise, le CHSCT et les représentants du personnel pour les entreprises de plus de 50 salariés. Il est baptisé "comité social et économique".

Une commission santé, sécurité et conditions de travail, de type CHSCT, subsistera dans les entreprises d'au moins 300 salariés. En-dessous de 300 salariés, l'inspection du travail pourra imposer la création d'une telle commission si elle le juge nécessaire.

> Un "compte professionnel de prévention" pour la pénibilité

Le très décrié compte pénibilité est modifié et rebaptisé. Sur les dix critères prévus jusqu'à maintenant pour valider le caractère pénible d'un emploi, le gouvernement estime que "six étaient inapplicables notamment dans les TPE". Dans certains cas "il fallait chronométrer les salariés heure par heure", a fait valoir la ministre du Travail. Le "compte professionnel de prévention" supprime donc les "obligations irréalistes".

> Une autre façon pour le juge d'apprécier le licenciement économique

Ce point était déjà connu. Pour les entreprises dont les activités ne se limitent pas à la France, il ne sera plus nécessaire d'apprécier ses éventuelles difficultés au plan international pour juger du bien fondé des licenciements économiques auxquels elle procéderaient. Le cadre français suffira. "L'appréciation au niveau international et mondial ne protégeait pas plus les salariés", a avancé Muriel Pénicaud.

> De nouveaux accords de compétitivité

Muriel Pénicaud a évoqué la "possibilité pour les entreprises de s'adapter rapidement à la baisse ou à la hausse du marché sur le temps de travail, la rémunération et la mobilité par accord majoritaire simplifié".

"Cela va permettre aussi bien en cas de croissance qu'en cas de difficultés d'aller beaucoup plus vite et donc d'allier compétitivité économique et justice sociale".

> Une rupture conventionnelle collective

Si le gouvernement ne va pas changer le PSE (plan de sauvegarde de l'emploi), il a ainsi prévu de créer "une rupture conventionnelle collective", qui doit permettre, d'un côté aux entreprises souhaitant se réorganiser, de l'autre aux salariés partant en plan de départs volontaires, de "décider de ce qui les concerne", a affirmé Muriel Pénicaud.

> De nouveaux domaines dans les mains des entreprises..

Les entreprises pourront s'affranchir du cadre défini par la branche professionnelle dont elles dépendent pour modifier le niveau des primes qu'elles accordent à leurs salariés, si et seulement si l'accord majoritaire est trouvé. Autrement l'accord de branches prévaudra. Elles pourront aussi définir leur propre agenda social.

>... et dans celles des branches

"Il est dans notre intérêt d'avoir des branches fortes", a insisté Édouard Philippe. Aux domaines qui relevaient déjà de leur pré-carré (prévoyance, mutualisation) s'ajoutent les modalités encadrant les CDD et les CDI de chantier. "Cela ne concernera pas les motifs de recours mais les autres sujets (renouvellement, durée)", a précisé Muriel Pénicaud.

J.M.