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Filière porcine: la révolte des "bonnets roses" gronde

Le prix du kilo de porc est tombé à 1,07 euro.

Le prix du kilo de porc est tombé à 1,07 euro. - Jean-Pierre Muller - AFP

Un rassemblement d'éleveurs porcins est prévu ce jeudi 14 janvier. Ils demandent à la grande distribution et aux pouvoirs publics d'agir rapidement, afin de sauver la filière.

Chute drastique des prix payés aux éleveurs et aides gouvernementales jugées insuffisantes: les éleveurs de porcs bretons, exsangues, n'en ont pas fini avec la crise. "On est face à des drames humains chaque jour et on n'a pas les moyens de faire face", constate Didier Lucas, président du syndicat agricole FDSEA dans les Côtes d'Armor. D'ailleurs, un appel à un rassemblement a été lancé pour ce jeudi 14 janvier à Plérin (Côtes d'Armor) devant la maison du porc, après la cotation au Marché du Porc breton (MPB), référence nationale pour le prix du porc, qui y a son siège.

"On va faire appel à la grande distribution et aux pouvoirs politiques pour qu'on se rencontre rapidement afin qu'on trouve des solutions pour obtenir un prix rémunérateur comme nous le demandons", précise René Le Goudivès. Cet éleveur de porcs dans le Morbihan est à l'origine, avec d'autres éleveurs, de la création début janvier du collectif "Sauvons l'élevage français" qui a choisi pour signe de ralliement les bonnets roses, clin d'oeil aux bonnets rouges qui ont symbolisé en 2013 la lutte contre l'écotaxe en Bretagne.

Pour y parvenir, il prône des espaces dédiés aux produits issus du porc made in France dans les grandes surfaces, ainsi qu'une restructuration de la filière porcine. "Il y a un nombre très important de structures et de coopératives qui font toutes la même chose. Elles ont toutes une bardée de salariés, avec des bâtiments, des voitures, des charges fixes... que nous, éleveurs, on doit supporter, sauf que notre kilo de cochon, il n'en peut plus aujourd'hui", a-t-il estimé.

L'hécatombe a déjà frappé

La situation est telle que "je crains que l'on aille au-devant de difficultés qui vont se traduire par des manifestations et troubles à l'ordre public", a estimé de son côté lors de ses vœux à la presse le préfet de la région Bretagne, Patrick Strzoda. Fin janvier, "on aura traité 1.000 dossiers d'éleveurs porcins en termes d'aide à la trésorerie, d'aide à la restructuration de la dette" dans le cadre du plan de soutien à la filière mis en place par le gouvernement cet été, a dit le préfet. Mais "pour bon nombre, malheureusement, ce ne sera (...) pas suffisant pour éviter des cessations d'activités", a-t-il reconnu.

L'hécatombe a déjà frappé: quelque "20% des éleveurs" porcins de la région, qui représente 58% de la production nationale de porcs charcutiers, "ont déjà arrêté ou devraient déposer le bilan", affirme Didier Lucas. Sans compter les autres 20% "qui approchent de la zone rouge".

"Chaque jour, on a connaissance autour de nous de gens qui arrêtent", confirme Paul Auffray, président de la Fédération nationale porcine (FNP), affiliée à la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire.

1,07 euro le kilo

En cause, notamment, un prix au cadran tombé début janvier à 1,07 euro le kilo de viande de porc, sous l'effet conjugué de l'embargo russe sur l'agroalimentaire européen, de la guerre des prix dans la grande distribution et de la perte de compétitivité de la filière porcine française. Un montant largement insuffisant pour couvrir les coûts de production des éleveurs et leur permettre de se dégager un salaire. Pour ce faire, il faudrait atteindre un prix qui "se rapprocherait de 1,40/1,50 euros le kilo", estime René Le Goudivès.

Un prix d'équilibre de 1,40 euro avait pourtant été négocié peu avant l'été dernier sous l'égide du gouvernement, après d'importantes manifestations d'éleveurs. Mais une puissante fédération d'éleveurs rassemblant l'ensemble des groupements de producteurs de Bretagne, l'UGPVB, y avait ensuite renoncé. Cette dernière a pointé, dans un communiqué, la "perte de compétitivité de la filière porcine française" et regretté "qu'aucune réponse politique n'ait été apportée (...) concernant le dumping fiscal et social qui affaiblit structurellement le bassin de production depuis 10 ans".

Retrouvez le décryptage de l'état de la filière porcine en France dans les Décodeurs de l'éco

D. L. avec AFP