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Fin des 35 heures: la proposition de Macron n'aiderait pas les PME

Le sujet des 35 heures est sensible depuis l'acceptation de la loi, il y a 14 ans. Ici, une manifestation d'infirmiers, en 2002.

Le sujet des 35 heures est sensible depuis l'acceptation de la loi, il y a 14 ans. Ici, une manifestation d'infirmiers, en 2002. - Gérard Julien - AFP

Emmanuel Macron, le nouveau ministre de l'Economie, a proposé de se passer des 35 heures, dans une interview donnée avant sa nomination mais publiée ce jeudi. Mais les spécialistes du droit du travail craignent que la mesure proposée soit inefficace.

Une petite phrase d'Emmanuel Macron, prononcée alors qu'il n'était pas encore ministre dans une interview au Point (article payant), relance le débat sur les 35 heures. François Fillon soutient la mesure, le gouvernement s'est déjà rétracté… Mais au-delà du débat politique et économique, la proposition ne convainc pas les experts du droit du travail.

Plus précisément, le nouveau ministre de l'Economie propose aux entreprises de "se déroger aux règles du temps de travail et de rémunérations […] à la condition explicite qu'il y ait un accord majoritaire avec les salariés".

Une mesure aux effets "à la marge" sur les salaires

"C'est une question plus idéologique et politique que juridique", estime Christophe Noël, avocat spécialiste du droit du travail. La loi sur les 35 heures stipule qu'à partir de la trente-sixième heure, les employés sont payés 25% de plus. A partir de la quarantième heure, l'augmentation est de 50%.

Mais une disposition prévoit déjà que cette augmentation soit seulement de 10%... s'il y a un accord majoritaire avec les salariés; exactement ce que propose le nouveau ministre. La somme concernée est donc "à la marge", tranche Christophe Noël.

"Je crains que le dispositif n'existe déjà, et que le ministre manque de connaissances en droit du travail", confirme Sofiane Hakiki, avocat du cabinet Volga et spécialiste du droit du travail.

Les problèmes des PME ne seraient pas réglés

"Aujourd'hui, les grands groupes utilisent les outils en place, comme l'aménagement du temps de travail sur l'année, pour s'organiser. Le temps de travail n'est plus une question centrale pour eux", explique-t-il. En revanche, la question est cruciale pour les PME… Et le resterait avec le dispositif proposé par Emmanuel Macron.

"Ce sont les patrons de PME qui remettent en question les 35 heures, et qui disent employer moins de gens à cause d'elles. Mais ils auront le même problème: il n'y a pas de syndicats dans les PME, et il ne peut pas y avoir d'accord majoritaire dans ces cas-là, objecte Sofiane Hakiki. Le gouvernement oublie encore que l'emploi vient des petites entreprises."

Une législation de plus en plus complexe

Christophe Noël rajoute aux déboires des patrons de PME: "A part quelques spécialistes, personne ne maîtrise le droit du travail. Ni les patrons, ni les syndicats. Et les dirigeants de PME n'ont pas les moyens de se payer des avocats spécialisés. Le nombre de lois ouvre la porte aux contentieux."

Selon lui, la solution serait de négocier le temps de travail au niveau des branches. "Le temps de travail est un réel casse-tête pour certains secteurs, comme la restauration ou la santé. Mais une nouvelle loi qui s'ajoute aux existantes? C'est vraiment ce qu'il ne faut pas faire."