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Hopwork, la start-up qui veut organiser la fin du travail salarié

La plateforme Hopwork propose aux indépendants et à ceux qui sont fatigués du statut de salarié de créer leur profil sur le site. Elle garantit les paiements et permet aux clients et prestataires de se noter.

La plateforme Hopwork propose aux indépendants et à ceux qui sont fatigués du statut de salarié de créer leur profil sur le site. Elle garantit les paiements et permet aux clients et prestataires de se noter. - Matt Cornock - Flickr - CC

Et si le statut de salarié devenu obsolète était remplacé par le travail indépendant auprès d'entreprises devenues des clientes? C'est ce que propose Hopwork, qui se défend d'organiser la précarité du travail.

"Un seul patron, vous êtes un employé, deux patrons, vous êtes un fournisseur, et là, votre vie change". L'explication de Vincent Huguet, l’un des fondateurs de Hopwork, donne bien la mesure de son ambition: changer la vie des gens.

Combien d’entre vous ont rêvé de se mettre à son compte, de rompre les chaînes du travail salarié, de décider librement de son volume de travail, de l’organisation de sa journée? Mais vous vous demandiez certainement où trouver des clients susceptibles d'acheter votre bien le plus précieux: vous-même.

Vous êtes commercial, acheteur, développeur informatique, rédacteur, community manager, graphiste, consultant marketing. Vous savez que vous détenez un savoir-faire précieux, mais vous ne vous êtes, vous-même, jamais vendu, et pour cause, vous ne savez pas faire. Hopwork va s’en occuper.

Vous vous inscrivez, vous donnez des références précises (13.000 l’ont déjà fait) et vous voilà au contact d’entreprises qui cherchent des freelances. 10.000 entreprises sont inscrites aujourd’hui. Vous bénéficiez d’un contrat type, qui n’est plus un contrat de travail, mais bien plus un contrat commercial. Vous étiez salarié, vous voilà fournisseur.

Seuls 4% veulent un CDI

Dans ce qui préfigure une transformation profonde des relations de travail, certains verront une précarisation générale. D'autres une liberté retrouvée, pour les travailleurs comme pour les entreprises.

Dans un contexte où le gouvernement n’ose plus toucher au code du travail, Hopwork invente la flexibilité choisie. Vincent Huguet, le fondateur, insiste sur le fait que seuls 12% de ses 8.000 membres ont fait ce choix par défaut, et que seuls 4% aimeraient trouver un CDI classique. Il assure y accueillir des indépendants qui ont déjà des contrats, mais qui préfèrent s’installer sur sa plateforme en raison de deux services précieux.

Le premier: une garantie de paiement. Faire en sorte d'être payé est justement le problème numéro 1 des 700.000 freelances de France aujourd’hui. Hopwork garantit le paiement en 48 heures, parce qu’elle exige que le montant de la rémunération soit placé sur un compte séquestré dès le début de la mission. Pour l'indépendant, assuré que l’entreprise est solvable, cette sécurité vaut largement une commission de 5 à 10%.

"La précarité existe déjà"

Deuxième service plébiscité par les usagers de la plateforme: un système de notation. Il fonctionne sur le modèle Tripadvisor. Chacune des prestations est notée par le client, qui lui-même est noté à son tour. Ceux qui ne respectent pas les termes du contrat, ceux qui allongent les missions, sont vite identifiés. Là encore, la relation gagne en transparence.

Pour autant, Hopwork reconnaît l'existence de rapports de force inégaux. Sur sa plateforme, pas question d'instaurer les systèmes d’enchères inversées qui ont cours aux États-Unis. Outre-Atlantique, l’entreprise poste son offre, et c’est le mieux disant en termes de prix qui gagne. Un système qui peut vite devenir dévastateur. Avec Hopwork, l’entreprise rentre en relation avec des profils, la transaction commerciale n’est pas publique.

Rien ne dit que l’arrivée d'Hopwork n'apportera pas davantage de précarité. Mais ses fondateurs considèrent qu'aujourd’hui, les entreprises ne proposent que des stages et des CDD. "La précarité, elle existe partout dans ce monde en plein bouleversement, par la puissance des plateformes internet, la profondeur de marché qu’elles créent. Nous pouvons au contraire offrir une nouvelle forme de sécurité", promettent-ils.

"Plus rien ne justifie l'entreprise"

Un argumentaire qui convainc Alain Madelin, l’ancien ministre de l’Économie, très attentif à l'évolution des relations de travail. Il estime que "dans l’histoire sociale, on a jugé qu’il était plus efficace de regrouper beaucoup de gens dans un même lieu, essentiellement parce que cela permettait de mieux partager l’information. Aujourd’hui, en dehors des sites de production industrielle, à l’ère de l’information partagée dans le cloud, plus rien ne justifie l’existence de l’entreprise telle qu’on l’a connue". L'ancien ministre est ainsi convaincu qu'"on pourrait bel et bien vivre la fin du travail salarié".

Évidemment, l’évolution prendra du temps. Il suffit de regarder les courbes: ils ne sont aujourd'hui que 700.000 freelances sur une population active totale de 26 millions de personnes. Mais leur nombre a doublé en dix ans. On connaît en outre le potentiel de croissance que portent les plateformes de l’internet industriel. Le modèle d'Hopwork a en tout cas séduit le fond Isaï, fondé par le business angel Jean-David Chamborédon. Il est à l’origine de beaucoup des plus belles aventures internet, à commencer par Blablacar.

Stéphane Soumier