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Jean-Claude Trichet: "on peut faire aussi bien avec nettement moins d'argent"

Jean-Claude Trichet, l'ancien président de la BCE, était l'invité de BFM Business.

Jean-Claude Trichet, l'ancien président de la BCE, était l'invité de BFM Business. - -

L'ancien président de la Banque centrale européenne était, en compagnie de Jacques Attali, l'invité de BFM Business, lundi 13 janvier. Ils ont notamment évoqué le million d'emplois promis par le Medef en échange d'une baisse des charges, mais aussi la réduction nécessaire de la dépense publique.

Alors que se profile le forum économique mondial de Davos, les priorités européennes apparaissent évidentes: la lutte contre le chômage et le retour à la croissance, les deux étant évidemment liées.

A ces problématiques ont tenté de répondre Jean-Claude Trichet, ancien président de la Banque centrale européenne, et Jacques Attali, président de Planète finance. Invités de BFM Business, ce lundi 13 janvier, les deux hommes ont livré leurs points de vue sur la stratégie à adopter.

Une baisse des charges sur les entreprises peut-elle créer un million d'emplois?

Alors que le Medef promet la création d'un million d'emplois en contrepartie d'une baisse des charges de 100 milliards d'euros, les avis restent mitigés.

Pour Jean-Claude Trichet, cela prendra un certain temps: "je crois qu’il n’est pas impossible de créer un million d’emplois de plus. Mais il faut être réaliste, et savoir qu’on ne peut régler le problème que progressivement, sur une longue période. Les Allemands sont passés d’une situation très mauvaise à une bonne situation -concernant l’emploi- en 15 ans ! Chaque année en 15 ans, ils ont amélioré leur compétitivité."

Jacques Attali, quant à lui, s'est montré méfiant concernant le pacte de responsabilité proposé par François Hollande, et pris au mot par le patronat. "Ce million d’emplois est une justification", a estimé l'ancien conseiller de François Mitterrand. "Vous n’avez qu’à compter : un million en cinq ans, ça fait 200.000 par an. C’est quoi, le remplacement de ceux qui partent en retraite ? Evidemment, ce chiffre est déjà dépassé. C’est toute la difficulté d’un tel pacte, il y a un effet d’aubaine. Si le patronat dit : "je veux une récompense pour des emplois que j’aurais de toute façon créé, car il faut remplacer les gens qui partent", cela s’appelle un effet d’aubaine. Si ce sont des emplois supplémentaires, c’est très difficile à mesurer. C’est pour cela que ce pacte de confiance, je n’y crois pas trop."

Comment relancer la croissance?

Sur ce point, Jacques Attali et Jean-Claude Trichet sont au moins d'accord sur une chose: le retour de la croissance passera par une forte réduction des dépenses publiques. Reste à savoir sur quoi rogner.

"Il y a beaucoup de points pour lesquels c’est aberrant, notamment l’empilage région, département, ville, nation, etc", selon Jean-Claude Trichet. "Nous avons là des anomalies flagrantes. Nous avons également des anomalies en ce qui concerne la gestion de la protection sociale. On peut faire aussi bien avec nettement moins d’argent. D’ailleurs, des pays comme la Suède ont diminué de 10% leur dépense publique", a-t-il poursuivi.

Jacques Attali, lui, met en garde quant à l'incidence d'une baisse drastique de la dépense publique sur la création d'emplois. Et estime que les responsbles politiques n'ont pas eu le courage d'engager des réformes impopulaires. "Nicolas Sarkozy a fait des choses très utiles et très efficaces durant son mandat mais il n’a pas décidé de réformes importantes", a-t-il lancé. "Evidemment, ce sont des réformes impopulaires. Parce que les dépenses publiques, ce n’est pas de l’argent qui va dans un trou, c’est de l’argent qui va chez quelqu’un. Et c’est de l’argent qui créé des emplois. La réduction de la dépense publique nuira à la création d’emplois. Mais il faut quand même le faire".

Selon lui, pour remettre le pays à flots, "il faut se concentrer sur l’innovation, c’est elle qui portera l’emploi et pas la baisse des salaires".

Y. D.