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Le recours aux travailleurs détachés a explosé en 2015

Le recours aux travailleurs détachés a bondi l'an passé (image d'illustration)

Le recours aux travailleurs détachés a bondi l'an passé (image d'illustration) - Bertrand - Wikimedia Commons - CC

"Alors que le gouvernement doit présenter ce lundi un plan de lutte national contre les abus pour la période 2016-2018, le recours au travail détaché a fortement progressé l'an passé (+11%), selon des données provisoires."

Le gouvernement lance sa grande offensive contre les abus liés au travail détaché. Ce lundi 30 mai, un plan national pour la période 2016-2018 a été présenté. Le Premier ministre Manuel Valls a annoncé un renforcement des contrôles. À cette occasion, l'exécutif a compilé des données provisoires permettant d'établir le bilan pour l'année 2015.

Ces données auxquelles l'AFP a eu accès montrent que les recours aux travailleurs détachés ont explosé l'an passé. "Pour l'année 2015, les premières données indiquent une forte progression du nombre de déclarations de détachement adressées par les entreprises", écrit le gouvernement dans un document.

"Le nombre des déclarations de prestations de services réalisées par des entreprises étrangères est de 81.420 et concernent 286.025 salariés détachés", détaille le document. Ces effectifs sont en hausse de 25% par rapport à 2014, année où 228.600 travailleurs détachés avaient été déclarés.

La Pologne, premier pays d'origine

Leur nombre, en constante augmentation, a décuplé en dix ans (26.466 en 2005). Selon le gouvernement, cette hausse est "probablement" due aux "contrôles de plus en plus fréquents" et aux "sanctions nouvelles", qui ont poussé certains employeurs à déclarer des "détachements précédemment non déclarés".

En 2015, le temps de travail effectif des travailleurs détachés a aussi fortement augmenté (+11%), pour atteindre 10,7 millions de jours, soit plus de 46.500 équivalents temps-plein (ETP).

La Pologne est le principal pays d'origine des salariés détachés en France, avec 46.816 travailleurs. Suivent le Portugal (44.456), l'Espagne (35.231) et la Roumanie (30.594). Le bâtiment-travaux publics (BTP) reste le premier secteur concerné (27% des déclarations), même si sa part diminue, devant l'intérim (25%) et l'industrie (16%). Une large majorité des salariés détachés (83%) sont des ouvriers.

Des contrôles intensifiés

Par ailleurs, les zones frontalières concentrent plus de 45% des déclarations. Encadré par une directive européenne de 1996, le détachement permet à une entreprise européenne d'envoyer temporairement ses salariés en mission dans d'autres pays de l'UE, en n'appliquant que le noyau dur de sa réglementation (Smic, conditions de travail) tout en continuant de payer les cotisations sociales dans le pays d'origine.

Mais le système fait l'objet de nombreux détournements: non-déclarations, rémunérations très inférieures au Smic, dépassement des durées maximales de travail, hébergements indignes, etc. Selon le gouvernement, qui a renforcé l'arsenal répressif, "les contrôles effectués ces trois dernières années montrent une augmentation du nombre de fraudes".

Depuis l'été 2015, l'inspection du travail a intensifié ses contrôles, passant de 600 interventions en juin 2015 à 1.504 en mars 2016. Trois quarts (76%) ont été effectuées dans le BTP. Et entre juillet 2015 et mars 2016, l'administration a prononcé 291 amendes pour un montant de 1,49 million d'euros, concernant 1.382 salariés détachés.

Pour remédier à cette situation, le gouvernement souhaite actionner plusieurs leviers: limitation de la durée du détachement, coopération entre les services des pays de l'Union européenne, respect du principe "à travail égal salaire égal dans un même lieu", renforcement des lois françaises contre la fraude au détachement, contrôles renforcés, future création d'une "instance nationale de pilotage"... Bref, l'exécutif fait feu de tout bois face à cette dérive. Manuel Valls estime que la situation actuelle "transforme en menace, ce qui, au départ, était une opportunité".

J.M. avec AFP