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Emploi

Licenciés, ils doivent rembourser leurs indemnités perçues... en 2008

47 ex-salariés d'Ardennes Forge ont été condamnés à rembourser une partie des dommages et intérêts touchés après leur licenciement en 2008.

47 ex-salariés d'Ardennes Forge ont été condamnés à rembourser une partie des dommages et intérêts touchés après leur licenciement en 2008. - Francois Nascimbeni - AFP

Une cinquantaine d'ex-salariés de la société Ardennes Forge se voient réclamer par la justice le remboursement de dommages et indemnités versés dans le cadre de leur licenciement il y a près de dix ans.

"On s'est fait avoir": les 47 ex-salariés d'Ardennes Forge nourrissent une "colère" tenace depuis qu'ils ont été condamnés à rembourser une partie des dommages et intérêts touchés après leur licenciement en 2008, une "injustice" qui assombrit un peu plus leur avenir déjà incertain. "Ici tout a fermé, c'est plus que de la friche", dépeint Jean-Michel Prusinowski, bacchantes et veste en cuir, devant les grilles bleues écaillées de l'ancien site d'Ardennes Forge à Nouzonville (Ardennes), 6.300 habitants et 21% de chômage.

Derrière les panneaux "danger de mort", des cannettes vides jonchent le sol et des végétaux crèvent le béton. Ardennes Forge, l'éphémère société de métallurgie repreneuse de l'équipementier automobile Thomé-Génot, a été liquidée ici, il y a 9 ans déjà. Or l'AGS -le système d'assurance des salaires financé par cotisations patronales- réclame "18.500 euros sur les 24.000 touchés aux prud'hommes" à Jean-Michel Prusinowski, 59 ans dont une trentaine d'années passées à l'usine puis neuf à pointer à Pôle emploi. Il vit aujourd'hui avec "500 euros par mois", dans "une vieille baraque".

Comme ses anciens collègues, il est "en colère" mais a accepté à contrecœur de constituer un dossier pour que chaque situation soit examinée au cas par cas. "C'est pour essayer de nous diviser", prédit-il, persuadé que "si on rend l'argent, ça voudra dire qu'on est coupables, qu'on aura baissé notre froc. Ce sera ça le message !"

470.000 euros à rembourser sur 900.000 touchés

Les ex-Ardennes Forge doivent en effet restituer 470.000 des 900.000 euros de dommages-intérêts alloués par le conseil des prud'hommes, suite à un pourvoi en appel de l'AGS, en mars 2012, confirmé par la Cour de cassation le 13 juillet. Dans le volet pénal du dossier, trois prévenus dont le directeur général d'Ardennes Forge avaient pourtant été condamnés en 2014 pour "travail dissimulé", un chef d'accusation finalement balayé par le juge civil.

"Je demande juste un peu d'humanité" parce que nous sommes "au bout du bout", répète Rémi Petitjean, grand gaillard au crâne dégarni et ancien représentant des salariés. À 51 ans, il s'est servi des 12.000 euros de dommages-intérêts pour monter sa propre entreprise "multi-services", acheter une camionnette et embaucher un salarié... avant de déposer le bilan il y a quatre mois. "J'ai les deux gamins qui vont en fac l'année prochaine, faut assurer derrière... Ça m'angoisse", confie-t-il pudiquement, déterminé à se battre quitte à entamer "une grève de la faim" pour médiatiser la détresse collective.

Des indemnités utilisées pour faire les courses du quotidien

À Neufmanil, commune nichée dans le massif des Ardennes, Fanny et Stéphane Cossardeaux, 46 et 43 ans, partagent ce sentiment "d'injustice" depuis qu'ils ont appris qu'ils devaient reverser 20.500 euros sur les 24.000 perçus initialement. Des indemnités en partie utilisées pour "remplir des Caddie de courses en fin de mois", pas pour partir en vacances. "On n'a plus trop de projet de vie avec cette épée au-dessus de la tête", glisse Fanny, assise sur le canapé de leur appartement en HLM. "J'attends de savoir à quelle sauce on va être mangés", ajoute Stéphane qui a retrouvé un emploi comme diagnostiqueur immobilier mais vit mal cette situation "usante".

Comment envisager la suite? "On veut nous maintenir dans notre condition d'ouvriers mais chacun a le droit de concrétiser ses rêves", affirme son épouse qui aimerait que la famille retrouve une vie emprunte "d'un peu plus de légèreté".

N.G. avec AFP