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Loi Travail: pourquoi la CGT jette toutes ses forces dans la bataille

"En perte de vitesse depuis plusieurs années, l’organisation dirigée par Philippe Martinez ne compte rien lâcher dans sa lutte contre le projet de loi El Khomri. Pour redorer son blason, mais aussi pour ne pas se laisser distancer par les autres syndicats."

L’opération va-t-elle porter ses fruits? La multiplication des grèves et des blocages, qui fait notamment planer la menace d’une pénurie de carburant en France, prouve en tout cas la détermination de la CGT à faire capoter le projet de loi El Khomri.

L’organisation dirigée par Philippe Martinez a d’ailleurs décidé de multiplier les fronts: à la SNCF, pour peser au sein des négociations sur l’avenir du rail, la centrale a ainsi appelé à la grève tous les mercredis et jeudis. Les routiers, eux aussi, ont été appelés à se mobiliser contre la loi Travail. La CGT-RATP vient à son tour de se jeter dans la bataille en lançant un appel à la grève illimitée à partir du 2 juin 2016.

Le retour de la ligne "dure"

Mais derrière la façade idéologique, et une aversion naturelle pour un texte résolument libéral, se cachent d’autres enjeux plus terre-à-terre.

En perte de vitesse depuis plusieurs années, la CGT doit en effet trouver un nouveau souffle, sous peine de perdre toute influence dans le paysage politique français. Et ce de manière urgente. L’ouverture au réformisme, incarnée par Thierry Lepaon en son temps, n’a pas obtenu les résultats escomptés. C’est donc un retour à la ligne "dure" qui a été choisi, lors de l’élection (et de la réélection) de Philippe Martinez au poste de secrétaire général.

Une forme de radicalisation qui doit lui permettre de se démarquer de ses concurrents - en particulier de la CFDT, en pleine idylle avec le gouvernement et qui pourrait dans les prochains mois lui ravir son leadership.

Pour Martinez et ses troupes, la situation est grave: dans ses bastions historiques tels que la SNCF, la Poste ou la RATP, son affaiblissement inquiète. Les premiers appels à la mobilisation du quinquennat Hollande n’ont, eux, été que très peu suivis.

Une stratégie à double tranchant

Pas question, dans ce contexte, de rester passif face à une mesure qui a surpris par l’ampleur de son impopularité - du moins au départ. Pétition record, mouvement lycéen, et vive contestation au sein de la gauche: autant d’ingrédients justifiant une action d’envergure.

Mais, de nombreuses concessions gouvernementales plus tard, les premiers signes d’essoufflement se sont fait sentir. La CGT a donc décidé de passer à la vitesse supérieure afin de faire plier l’exécutif. Quitte à perdre le soutien de l’opinion publique: aujourd’hui, près de deux tiers des Français souhaitent que les grèves et les blocages prennent fin.

Cette décision pourrait pourtant marquer une étape historique dans l’histoire de la confédération. Une victoire -la première d’envergure depuis le CPE- replacerait la CGT au centre des débats.

Une défaite, elle, pourrait s’avérer traumatisante pour ses adhérents, encore sonnés de n’avoir pas pu empêcher l’application de la réforme des retraites, en 2010. Et ainsi accélérer un peu plus le déclin d’un acteur historique de la vie politique et sociale française.