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La riposte s'organise contre la "fraude au président"

Le Medef et la Police judiciaire ont signé ce mardi un partenariat pour lutter contre les escroqueries contre les entreprises, un phénomène qui prend de l'ampleur.

Le Medef et la Police judiciaire ont signé ce mardi un partenariat pour lutter contre les escroqueries contre les entreprises, un phénomène qui prend de l'ampleur. - jlcwalker-flickr-cc

L'organisation des patrons et la police judiciaire prennent à bras le corps le problème des escroqueries aux entreprises, notamment la plus fameuse d'entre elles, "la fraude au président".

1.200 plaintes, plus de 350 millions d'euros dérobés en quatre ans: les entreprises françaises sont de plus en plus victimes de fraudes aux faux ordres comptables. Le Medef et la police judicaire ont signé ce 10 mars un partenariat afin de lutter contre ce phénomène, faire de la prévention dans les entreprises et réagir vite en cas d'attaque.

PME ou grands groupes, personne n'est épargné. Les entreprises du CAC 40 subissent au moins deux attaques par jour. La plus connue d'entre elles est la fraude au président. Le principe: au téléphone, l'escroc se fait passer pour le PDG ou le directeur financier du groupe, et exige des virements sur des comptes à l'étranger.

Michelin, Vallourec, Vinci ou Sonia Rykiel escroqués

C'est ce qui est arrivé à Michelin l'an dernier. L'homme a demandé au comptable d'effectuer désormais les prochains règlements sur le compte d'une banque en République tchèque. Il était très persuasif, le comptable n'y a vu que du feu. Plus d'un million et demi d'euros se sont ainsi volatilisés.

Les fraudeurs connaissent par coeur l'organisation de l'entreprise, le prénom de la directrice financière par exemple. C'est la force de leur système. Ils n'hésitent pas à évoquer des autorités comme l'AMF ou à mettre en avant des "avocats".

En février 2013, un autre escroc s'est carrément fait passer pour Philippe Crouzet, le président du directoire de Vallourec. Il est parvenu à se faire virer près de 23 millions en une vingtaine de jours. Un record jusqu'ici. De l'argent qui devait soi-disant servir pour l'acquisition d'une société. Les factures étaient même validées avec une double fausse signature.

Parmi les autres cibles Vinci, Saint Gobain, Sonia Rykiel, Géant Vert, les éditions Dargaud, avec plus ou moins de succès. Dernier exemple, la maison Fendi, qui appartient au groupe LVMH. Fin 2013, déclarait elle aussi un préjudice de plus de 900.000 euros. Le virement du loyer de sa boutique de l'avenue Montaigne est parti directement sur un compte en Slovaquie.

Des préjudices financiers et des drames humains 

Les PME, plus fragiles, sont elles aussi ciblées. Et les montants grimpent vite jusqu'à 1 million d'euros. Certaines petites entreprises ont dû déposer le bilan. Mais au-delà du préjudice financier, il y a aussi des drames humains, dont la première victime est souvent celle qui a naïvement passé l'ordre.

"On a connu des suicides et des tentatives", souligne Jean-Marc Souvira, le chef de l'office central pour la répression de la grande délinquance financière. "L'escroc invente toujours un péril imminent pour l'entreprise: une tentative d'OPA malveillante, un contrôle fiscal, etc. Donc la personne qui engage le paiement pense qu'elle va sauver l'entreprise". Finalement, "non seulement elle n'a rien sauvé, mais elle a fragilisé la société, et tout le monde l'accuse. Des procédures de licenciement sont lancées. Le préjudice humain est très important", continue-t-il.

Les escrocs, une cinquantaine, opèrent de l'étranger, souvent basés en Israël. Une criminalité organisée, dont certaines racines remontent jusqu'en Chine, et dont les membres sont de vrais professionnels, indique la répression des fraudes. Pour une escroquerie réussie, il y aurait 50 tentatives. De quoi laisser penser que ces organisations ont passé au peigne fin le tissu des entreprises françaises. La Police craint qu'ils étendent maintenant leur champ d'action au secteur immobilier et aux collectivités locales.

Hélène Cornet avec BFMBusiness.com