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Faut-il toujours avoir peur du bulletin de paie électronique?

Depuis 2009, la fiche de paie papier n'est plus obligatoire.

Depuis 2009, la fiche de paie papier n'est plus obligatoire. - Mychèle Daniau - AFP

Plus compliquée que le format papier, moins sécurisée, … La fiche de paie dématérialisée engendre de nombreux préjugés. 5 questions pour mieux comprendre ce système.

Depuis 2009, les entreprises en France peuvent décider d'opter pour la fiche de paie électronique. Une pratique encore peu rependue. Mais à l'heure de la simplification du bulletin de paie, une expérimentation mise en place depuis le 1er janvier, certains pourraient être tentés. Petit tour d'horizon des questions à se poser.

1- Qu'est-ce qu'une fiche de paie électronique?

Depuis le 13 mai 2009, un employeur peut faire parvenir à ses salariés des bulletins de paie électronique. Jusqu'alors, il était tenu de leur donner en main propre ou par courrier postal un document imprimé. Mais la loi de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures a changé cela.

L'entreprise qui se convertit à cette innovation peut proposer (pas imposer) aux salariés de disposer d'un coffre-fort virtuel où tous ses bulletins de salaire seront stockés. Par exemple, le tiers archiveur CDC Arkhinéo garantit l'archivage des documents pendant 50 ans. Un salarié aura ainsi accès, tout au long de sa carrière professionnelle, à ses fiches de paie. Et elles seront accessibles partout et tout le temps. Il lui suffit de ses connecter avec ses mots de passe et identifiants. Un gain de place, l'assurance de ne pas les perdre (incendie, déménagement, etc...) et un geste en faveur de l'environnement.

2- Les versions papier et numérique peuvent-elles coexister?

Attention, opter pour la fiche de paie électronique ne se fait pas sans condition pour l'employeur. Tout d'abord, c'est au salarié de donner son autorisation. L'employeur doit ensuite certifier que les informations contenues dans cette fiche de paie électronique sont complètes, exactes et non altérées, mais surtout, qu'elles sont qu'elles sont sécurisées.

Une précision importante car il ne peut exister qu'une version originale du bulletin de paie. Si un salarié préfère continuer à recevoir un bulletin de paie papier et la numériser lui-même pour la conserver dans son ordinateur, "sa" version électronique n'aura en fait aucune valeur. Et l'inverse est vrai. S'il choisit une version dématérialisé, la version papier qu'il aura imprimé ne fera pas foi", explique Philippe Delahaye, directeur du business développement de CDC Arkhinéo.

3- Quels sont les risques?

Evidemment, choisir le bulletin de paie dématérialisé n'est pas anodin. "Le salarié ne doit pas être "pris en otage" par l'employeur", souligne Philippe Delahaye. L'un des risques est que ce soit l'entreprise, grâce aux équipes informatiques, qui stocke ces données. En cas de contentieux, l'employeur aurait donc un moyen de pression trop important. "L'entreprise a donc tout intérêt à choisir un prestataire extérieur".

Autre question que pourrait se poser un salarié: le service sera-t-il payant? Pour Philippe Delahaye, il est évident qu'une entreprise n'a pas intérêt à faire payer ce service à ses employés. "Les salariés préfèreront sinon garder les fiches de paie papier".

Dernier point négatif, le changement d'employeur. Si l'ancienne et la nouvelle entreprise, n'ont pas le même prestataire, le salarié se trouvera ainsi avec deux coffres forts numériques. Il devra faire lui-même la démarche de transférer tous les documents d'un coffre à l'autre.

4- Quels sont les avantages?

En dehors de l'image de modernité que cette nouvelle méthode va apporter à l'entreprise, cela peut également lui permettre de baisser ses coûts. "Pour les entreprises dotées de gros effectifs, avec des filiales, … l'envoi de masses des feuilles de salaires a un coût important: 1,10 euro par bulletin. A cela il faut ajouter les frais d'archivage", précise Philippe Delahaye.

Par comparaison, l'office français pour la sécurité et l'archivage des documents propose 1 euro par salarié et par mois, quel que soit le nombre de documents RH déposés. Autre intérêt: créer pour les salariés un espace RH. L'entreprise va pouvoir stoker non seulement les feuilles de paie, mais également des documents qui créeront un véritable dossier de carrière: points retraite, attestation de formation, ….

5- Combien d'entreprises y sont passées?

Pour l'instant, peu d'entreprises ont été tentés par la dématérialisation qui, d'ailleurs n'est assurée que par un petit nombre d'acteurs. Pas plus de cinq. Présente sur ce marché depuis 2011, l'office français pour la sécurité et l'archivage des documents reconnaît ainsi n'équiper que quelques dizaines de PME. "C'est effectivement est encore faible et nous pensons qu c'est lié à un déficit de connaissance et à une certaine frilosité de la part des entreprises" explique Jacques Ravot, son directeur commercial.

Autre acteur du secteur, CDC Arkhinéo, revendique 30 clients directs mais plusieurs centaines si on prend en compte ceux à qui il fournit ses prestations de façon indirecte. "Les clients directs sont les entreprises et grands groupes qui passent directement par CDC Arkhinéo pour l’archivage des données (Carrefour, IATA par exemple). Quant aux clients indirects, ce sont les entreprises ou grands groupes qui, via des partenariats de CDC Arkhinéo (avec Novapost ou Pixid par exemple), archivent chez le Tiers de Confiance".

Difficile de savoir précisément combien de salariés en France ont renoncé à la feuille de paie papier. Novapost, leader du secteur, assure que sur les 28 millions d'actifs en France, il serait un million. Corinne Laurie, porte-parole de la Fédération Nationale des Tiers de Confiance tempère un peu cet enthousiasme: "c’est assez délicat, les seuls chiffres circulant étant non vérifiables et parcellaires. On peut considérer que quelques centaines d’entreprises ont fait le saut, représentant quelques centaines de milliers de bulletins de paie par mois".

Diane Lacaze