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Retraites complémentaires: faudra-t-il travailler jusqu'à 64 ans?

En 2018, les réserves financières du régime de retraite des cadres seront épuisées.

En 2018, les réserves financières du régime de retraite des cadres seront épuisées. - Kenzo Tribouillard-AFP

Alors que patronat et syndicats vont commencer les négociations sur l'avenir des régimes complémentaires, en particulier celui des cadres qui n'aura bientôt plus de réserves financières, un rapport de la Cour des comptes qui sera publié jeudi évoque comme piste l'allongement de la durée de cotisation.

Et si les cadres devaient attendre 64 ou 65 ans pour toucher leur retraite complémentaire ? C'est en tout cas l'une des propositions sur la table lors des négociations qui vont s'ouvrir entre partenaires sociaux sur l'avenir des régimes de retraites complémentaires, celui des cadres en particulier, l'Agirc

La Cour des comptes n'a pas attendu le début officiel de ces négociations prévu le 17 février pour mettre les pieds dans le plat. Dans un rapport qui sera présenté jeudi mais dont Le Parisien de ce lundi publie des extraits, la Cour dresse un tableau alarmant de la situation financière des régimes. Selon elle, le trou annuel pourrait atteindre 15 milliards d'euros en 2030 sans mesures d'économies. 

Gel des retraites complémentaires 

Déjà, si aucune décision n'est prise au terme des négociations entre patronat et syndicats qui cogèrent l'Agirc, celle-ci ne disposera plus de réserves financières en 2018 pour payer les retraites complémentaires des cadres. Or celles-ci représentent entre un tiers et la moitié de leurs pensions totales selon les revenus.

En 2013, les gestionnaires de l'Agirc avaient bien décidé le gel de la revalorisation des pensions complémentaires jusqu'à la fin de 2015. Une décision pourtant insuffisante pour rétablir l'équilibre du régime.

En effet, le nombre de cadres pensionnés augmente alors que celui des actifs baisse. Il y a aujourd'hui 2,7 millions de cadres retraités pour 4 millions de cotisants. Le chômage élevé chez les cadres complique la donne en réduisant le montant des cotisations perçues qui servent à payer les pensions.

L'Arrcoqui regroupe les régimes complémentaires des non-cadres, est dans une situation un tout petit peu plus favorable que l'Agirc avec 18 millions de cotisants pour 12 millions de pensionnés. La Cour des comptes estime tout de même que ses réserves financières seront épuisées à l'horizon 2023. 

Déficits interdits

A la différence de la retraite de la sécurité sociale gérée par la Cnav (Caisse nationale d'assurance vieillesse), les régimes complémentaires ne peuvent pas être en déficit. Pour assurer le paiement des pensions et éviter les déficits, l'Agirc a constitué des réserves financières au fil des ans en plaçant sur les marchés les cotisations des cadres actifs.

Ces réserves atteignent encore 9 milliards d'euros, mais devraient être quasiment à sec en 2018 sans mesures rapides d'économies. Or, en 2014, l'Agirc devrait perdre près de 2 milliards d'euros. Les pertes devraient s'élever à 5 milliards en 2018. 

Le gouvernement suit de près le dossier

Pour rétablir la situation, il n'y a donc guère que trois solutions, comme le rappelle la Cour des compte: augmenter les cotisations, baisser les pensions, ou allonger la durée de cotisation en repoussant l'âge auquel les salariés et les cadres peuvent liquider leur retraite complémentaire. Les deux premières solutions paraissent difficile à faire passer, en particulier dans le contexte de baisse du coût du travail et de faible inflation. Reste le recul de l'âge de départ. 

La Cour évoque un recul progressif de cet âge de départ, de deux ans, pour rééquilibrer les finances des régimes complémentaires. Les partenaires sociaux travaillent également sur cette hypothèse. Pour le régime des cadres, certains évoquent même 65 ans. 

En pratique, les cadres pourraient toujours partir à 62 ans comme la loi le prévoit. Mais ils ne toucheraient alors en totalité que leur retraite de la sécurité sociale. Entre 62 et 65 ans voire 67 ans, une décote par année serait appliquée à leur pension complémentaire. Si un cadre veut toucher sa retraite complémentaire en totalité, il devrait donc attendre 65 ans. 

Le recul progressif de l'âge de la retraite en fonction de l'espérance de vie est d'ailleurs l'une des propositions du Medef. Son président, Pierre Gattaz, l'a rappelé, le 24 septembre, en présentant son programme pour relancer la croissance et l'emploi. Mais les syndicats représentant les cadres sont prudents sur le sujet. La CGT et la CFTC ont même déjà dit non.

Le gouvernement, lui, suit de très près le dossier. En effet, un recul de l'âge permettant aux cadres de prendre leur retraite complémentaire pourrait servir de modèle à une nouvelle réforme globale des retraites des salariés mais aussi des fonctionnaires et des personnels des régimes spéciaux. En effet, malgré la réforme Ayrault de 2013, le déficit de la branche vieillesse de la sécurité sociale devrait encore être de 1,5 milliard en 2015. 

La Cour des comptes critique la gestion

Mais la Cour des comptes n'est pas tendre non plus avec les partenaires sociaux, gestionnaires de l'Agirc et de l'Arrco. Selon les magistrats, patronat et syndicats accorderaient des avantages sociaux trop importants aux salariés des régimes complémentaires. Ce qui augmenterait le coût de gestion de ces organismes, donc leur besoin de financement ! Selon le rapport, les coûts de gestion représenteraient ainsi 2,7% des cotisations versées. 

La Cour n'irait pas jusqu'à prôner la fusion des deux institutions de retraite afin de faire des économies de gestion. Les syndicats ne sont pas favorables à cette hypothèse pourtant évoquée régulièrement. La CFE-CGC, qui est chez elle à l'Agirc, ferait même de cette solution une déclaration de guerre avec le gouvernement.

Patrick Coquidé