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Le smic: une machine à fabriquer du chômage?

Le smic serait un de ces outils censés protéger les salariés, et qui en fait les pénalise lourdement.

Le smic serait un de ces outils censés protéger les salariés, et qui en fait les pénalise lourdement. - -

Par l'imbrication d'effets pervers, le salaire minimum crée des chômeurs et des travailleurs pauvres, estiment trois économistes proches de François Hollande, reçus ce 15 avril à l'Elysée.

Retour du débat sur le Smic? Pascal Lamy, l'ancien dirigeant de l'Organisation mondiale du commerce, une sommité économico-politique de la gauche, a lancé un pavé dans la mare il y a une quinzaine de jours, en proposant de rémunérer certains jobs moins que le smic pour lutter contre le chômage.

Trois économistes proches de Hollande -Elie Cohen, Philippe Aghion et Gilbert Cette- s'engouffrent dans la brèche. Ces spécialistes, en partie à l'origine des 35 heures, estiment aujourd'hui qu'il faut changer de doctrine. Ils sont reçus à l'Elysée ce mardi 15 avril.

Ils avaient déjà travaillé pour François Hollande au moment de la campagne. Et ils s'étaient beaucoup plaints, pendant l'année qui a suivi son élection à la présidence, de son silence-radio. Tous trois ont donc écrit un livre, "Changer de modèle", dans lequel ils l'appellent à prendre une nouvelle orientation, et abordent la question du salaire minimum.

Le smic français parmi les plus élevés d'Europe

Leur thèse: le smic est le symbole de ces outils censés protéger les salariés, et qui en fait les pénalise lourdement. Ce salaire minimum est ainsi devenu une machine redoutable à fabriquer des chômeurs et des travailleurs pauvres.

Le salaire minimum n'évolue que grâce aux coups de pouce politiques. Les gouvernements n'ont pas été raisonnables depuis sa création en 1970: en quarante ans, ce minimum garanti a augmenté deux fois plus vite que le salaire moyen.

Le smic français est ainsi devenu l'un des plus élevé d'Europe. Un niveau qui empêche certaines entreprises, qui en ont pourtant besoin, d'embaucher. Le relèvement de 10% du smic créé entre 40.000 et 300.000 chômeurs supplémentaires. Une fourchette certes assez large, mais sur laquelle s'accordent une majorité d'économistes.

Smicardisation de la société

Par ailleurs, pour compenser les effets pervers d'une augmentation trop rapide du salaire minimum, on a distribué des allègements de charges aux patrons à tour de bras, mais seulement sur les salaires à 1,2 ou 1,5 fois le smic. Du coup, l'entreprise n'a aucune incitation à augmenter les émoluments de ses salariés au-delà de ces seuils.

Le résultat: une smicardisation de la société. Aujourd'hui, 3,4 millions de personnes sont au smic, soit plus d'un salarié sur six, et deux fois plus qu'en 1994.

Le problème, c'est qu'on ne sait pas comment en sortir. Parce que personne ne peut vivre décemment avec moins que le smic. Sur le plan de la théorie économique, il faudrait dissocier le salaire de travail du revenu minimum, un complément donné par l'Etat sous forme d'impôt négatif, un dispositif qui existe par exemple aux Etats-Unis. L'idée, c'est que le salaire n'est pas censé jouer, à lui-seul, le rôle d'amortisseur social.

Emmanuel Lechypre et BFMbusiness.com