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Emploi

SNCF : la réforme des retraites plus coûteuse que prévue

L'ancien ministre du Travail, Xavier Bertrand, a fait adopter en 2008 une réforme des retraites des cheminots

L'ancien ministre du Travail, Xavier Bertrand, a fait adopter en 2008 une réforme des retraites des cheminots - -

Alors que le président de la SNCF annonce son intention de recruter 40 000 personnes d'ici 2017, la Cour des comptes met en doute la solidité financière du régime spécial de retraite des cheminots pourtant réformé en 2008 et 2011.

Voilà un sujet qui n'a pas été médiatisé ce week-end du 22 septembre, par Guillaume Pépy, le président de la SNCF, lors du séminaire de l'entreprise publique à Berlin: l'avenir du régime spécial de retraite des cheminots.

Normal puisque, officiellement, il n'y a plus de sujet. Ce régime très généreux, mais très déficitaire, a été réformé une première fois en juin 2008, en même temps que celui de la RATP, par un décret préparé par Xavier Bertrand, alors ministre du Travail du gouvernement Fillon. Un second décret de novembre 2011 a introduit certaines dispositions de la grande réforme des retraites défendue par Eric Woerth en 2010.

Convergence avec les fonctionnaires

Plutôt que d'aligner le régime des cheminots sur celui, beaucoup moins intéressant des salariés du privé, le gouvernement Fillon a décidé pour des raisons politiques de le faire converger sur celui des fonctionnaires d'ici à 2017. Il a ainsi voulu éviter un nouveau conflit social comme celui de l'hiver 1995.

Augmentation du taux de cotisations, léger allongement de la durée de cotisation, revalorisation moins favorable des pensions tous les ans... les cheminots ont effectivement perdu un certain nombre d'avantages liés à l'existence de leur "régime maison" (voir encadré).

Compensations généreuses

Mais pour faire "passer la pilule" de la réforme auprès des cheminots et de leurs syndicats, le gouvernement Fillon a prévu des compensations. Ce sont elles que la Cour des comptes pointe dans son dernier rapport sur la sécurité sociale du 12 septembre dernier.

De nouveaux échelons attribués automatiquement selon l'ancienneté ont ainsi été créés, permettant des augmentations de salaires et donc une retraite plus élevée (puisqu'elle reste calculée sur les six derniers mois contre 25 ans dans le privé).

Coût de la mesure : 503 millions d'euros supplémentaires sur la période 2008-2018 pour la SNCF selon la Cour des comptes. D'autres majorations salariales ont été accordées aux cheminots, représentant 253 millions pour la même période, note la Cour des comptes. Plusieurs primes ont également été intégrées dans le calcul des pensions, augmentant de 787 millions le poids des pensions payées par la SNCF.

Bilan de la réforme incertain

L'objectif du gouvernement était de rééquilibrer financièrement un régime dans lequel 162 000 cheminots en activité cotisent pour... 288 000 retraités.

Mais à cause des compensations accordées aux cheminots ainsi qu'en raison des prévisions hasardeuses fournies par la SNCF en matière d'âge de départ des cheminots, le bilan global de la réforme est "incertain", estime la Cour des comptes. En tout cas beaucoup moins élevé que ne l'affirme la Caisse de retraite de la SNCF.

Pour la période 2011-2018, le coût des compensations à la charge de la SNCF atteindraient 4,1 milliards alors que les économies engendrées par la réforme (moins de pensions, davantage de cotisations) ne dépasseraient pas 3,3 milliards. Soit un surcoût net de 800 millions d'euros, estime la Cour. Et à l'horizon 2020, le surcoût serait toujours de 600 millions.

D'autant que l'Etat devra toujours combler le déficit du régime. En 2012, il lui apporte 3,4 milliards d'euros, soit 62% de ses ressources. En 2020, cette subvention atteindra encore 2,9 milliards malgré la réforme et 2,1 milliards en 2030... Beaucoup pour un régime qui a été en principe réformé!

Le titre de l'encadré ici

|||Les principaux axes de la réforme:

> âge légal de départ portée d'ici à 2022 à 52 ans pour les roulants et 57 pour les autres

> suppression des bonifications de retraites selon les fonctions

> augmentation du taux de cotisations (7,85%, contre 10,55% dans le privé)

> désindexation des pensions en fonction des hausses de salaires

Patrick Coquidé