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STX: faut-il nationaliser les chantiers de l'Atlantique?

STX est propriétaires des chantiers de Saint-Nazaire et de Lorient

STX est propriétaires des chantiers de Saint-Nazaire et de Lorient - -

Le gouvernement refuse de nationaliser les chantiers de l'Atlantique, comme le réclament les syndicats. Il faudra trouver une autre solution au désengagement de STX, la maison-mère, annoncé le 3 mai.

La maison-mère coréenne envisage de se désengager des chantiers navals de Saint-Nazaire. L'annonce, formulée vendredi 3 mai, a réveillé l'appréhension des ouvriers du site, qui du coup, demandent sa nationalisation. Le gouvernement, déjà propriétaire de 33% du capital, se montre hostile à cette option, mais promet aux salariés la pérennité des chantiers de l'Atlantique.

STX est endetté à environ 900 millions d'euros. Le groupe compte sur la cession de ses participations en Norvège, en Chine et en France pour retrouver des marges de trésorerie. Ce n'est donc pas la santé économique du site de Saint-Nazaire qui est en cause.

Les ministres du Redressement productif et de l'Economie, Arnaud Montebourg et Pierre Moscovici, le martèlent dans un communiqué commun, samedi 4 mai, dans lequel ils assurent que les déboires de la maison-mère ne sauraient entamer le dynamisme retrouvé des chantiers.

4.000 salariés dans l'angoisse

Après quatre ans de passage à vide, entamés par la crise de 2008, les chantiers de l'Atlantique voyaient en effet le bout du tunnel grâce à la commande d'un paquebot géant pour la Royal Carribean, noué en décembre 2012.

Le gouvernement se montre donc sourd aux appels des syndicats à nationaliser. Même Arnaud Montebourg, qui prônait pourtant cette solution pour les hauts fourneaux de Florange. "Nationaliser sans commandes ne servirait à rien", a-t-il fait valoir samedi dans un entretien au Monde.

C'est justement pas ce biais que l'Etat pourrait apporter son aide à Saint-Nazaire: les chantiers pourraient être choisis par la Direction générale des armées pour construire quatre pétroliers ravitailleurs pour la marine nationale. Montant du contrat: 1 milliard d'euros...

En attendant une telle annonce, les 4.000 salariés, directs et indirects, sont dans l'expectative d'un énième bouleversement pour ces mythiques chantiers navals, nés il y a plus de 150 ans.

1861 : Création par les frères Pereire des Chantiers de Penhoët. A l’époque, Saint-Nazaire est un village de moins de 1.000 habitants. La ville décide de moderniser son port pour devenir la porte d’entrée du trafic postal transatlantique. Selon la convention de l’époque, la moitié des navires dédiés au transport de courrier sur cette ligne doit être construite en France. C’est cette obligation qui permet l’installation en Loire-Atlantique d’un chantier de construction navale.

1864 : Mise à l’eau du premier navire construit sur les Chantiers de l’Atlantique, "l’impératrice Eugénie". C’est aussi le premier paquebot construit en France. Il assure la liaison avec le Mexique.

Illustration de l'Impératrice Eugénie (WikimediaCommons)

1939-1945 : Saint-Nazaire, qui abrite une base sous-marine allemande, devient une cible pour les Forces Alliées. Les raids s’y succèdent, jusqu’à provoquer la destruction à 45% des infrastructures industrielles. A l’heure de la paix, l’Etat français apportera un double soutien au site. Il aidera à financer la reconstruction et la modernisation des Chantiers. Il multipliera également les commandes pour reconstruire une flotte civile et commerciale réduite à peau de chagrin par la guerre.

1955 : Les commandes publiques ont cessé depuis cinq ans. Le marché de la construction navale s’internationalise. Les chantiers français semblent manquer de compétitivité face à leurs nouveaux concurrents. Une réorganisation s’impose. Les chantiers de Penhoët et les Ateliers et Chantiers de la Loire fusionnent pour former les Chantiers de l'Atlantique.

1956 : Début de la construction du France. Le mythique paquebot aura nécessité 62 mois de travail. Il sera inauguré en 1960 par le Général de Gaulle en personne. Il succède au Normandie, victime d’un incendie qui provoqua son naufrage. Lui-même avait été construit à Saint-Nazaire à partir de 1932.

1964 : Les commandes de paquebots et de navires militaires se tassent. Apparaissent les commandes de pétroliers et de méthaniers. Mais la concurrence avec la construction navale japonaise est féroce. Pour faire face, les Chantiers de l’Atlantique se restructurent. La fonderie de Saint-Nazaire ferme ses portes, la totalité des 250 employés est licenciée. De quoi donner lieu à une vaste grève générale, et à plusieurs semaines d’occupation de l’usine.

Le Paquebot France lors de sa mise à l'eau en 1960 (MariPop)

1974 : Le chantier nazairien, confrontés à des difficultés économiques, prépare son entrée en Bourse. Suivant le modèle nippon, la création de partenariats industriels est envisagée. Deux ans plus tard, en octobre 1976, les Chantiers s’unissent à Alsthom (futur Alstom) pour former Alsthom Atlantique.

1985 : Déjà, Royal Caribbean Cruise Line confie aux ingénieurs français la construction de leur navire de croisière, le Souverain des Mers. Un défi de taille puisqu’il doit être prêt en 29 mois, un temps record. Les Chantiers y parviennent, signant leur retour sur le marché des paquebots géants.

1988 : Mouvement social d’ampleur sur les Chantiers Navals français. Plusieurs jours durant, des centaines d’ouvriers de Saint-Nazaire défient la direction et bloquent la circulation. Ils dénoncent la suppression de 135 emplois.

1991 : Le chantier nazairien signe une commande spectaculaire pour cinq méthaniers pour le groupe Petronas. Le dernier sera livré en 1997.

2001 : Le scandale de l’amiante éclate aussi sur les Chantiers. Le tribunal de Nantes reconnaît la "faute inexcusable" de la direction. Les précautions n’ont pas été prises pour protéger les salariés. Les plaignants, des salariés, seront indemnisés, et le montant de leur dommages et intérêts sera majoré. 1.500 ouvriers ont développé des maladies liées à l’amiante.

Le Queen Mary II lors de sa construction sur les chantiers de l'Atlantique (Fabrice Pluchet)

2003 : C’est le retour des paquebots géants à Saint-Nazaire. En décembre, le Queen Mary II est mis à l’eau en grande pompe.

2006 : Le Finlandais New Aker Finyards rejoint Alstom (qui a entre temps perdu son "H") pour créer Aker Yards, nouveau géant de la construction navale mondiale. Deux ans plus tard, en 2008, le japonais STX Ship Building procède à une OPA sur le groupe qui devient STX Europe. L’Etat, via le Fonds stratégique d’investissement, prend 33% du capital des ex-chantiers de l’Atlantique. Une augmentation de sa participation qui lui permet d'avoir une minorité de blocage.


Nouveau coup dur pour les chantiers navals de...

2011 : Les chantiers traversent encore une phase de turbulences. La compagnie Viking River Cruise a annulé ses commandes à Saint-Nazaire. Ce sont quatre millions d’heures de travail en moins, alors que presque aucune nouvelle commande n’a été signée en 2011. La direction se voit obligée de mettre en place des périodes de chômage partiel.

2012: Un contrat historique est signé entre les Chantiers navals STX France de Saint-Nazaire et l'Américain Royal Caribbean International. En jeu : la construction d’un paquebot de croisière géant qui devrait rapporter plus d'un milliard d'euros, selon le ministre de l’Économie, Pierre Moscovici, et représente 10 millions d'heures de travail réparties sur trois ans. L'entreprise s'est par ailleurs diversifiée: elle s'est spécialisée dans les éoliennes en mer, avec en ligne de mire un marché européen de 7.200 turbines, dont 3.000 en France. Elle mise sur un chiffre d'affaires de 200 millions d'euros par an pour cette activité.


Vidéo: Laura Zéphirin

Nina Godart