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Téléthon: l’appel à la solidarité fait moins recette

La population de donateurs devrait baisser

La population de donateurs devrait baisser - -

Alors que le 26ème Téléthon se déroule ces 7 et 8 décembre, les indicateurs sur les dons faits par les Français sont moroses. La crise serait-elle la seule explication?

Les Français sont-ils devenus moins généreux? Il semblerait... Alors que s'est tenu ce week end la grande campagne du Téléthon, coup d’envoi de la saison des dons, les associations sont inquiètes. L'édition 2012 a récolté 81 millions d'euros, contre 86 millions l'an passé (plus 8 millions d'euros arrivés après la fin des émissions télévisés).

Aujourd’hui la grande pauvreté touche près de deux millions de personnes sur 65 millions d'habitants au 1er janvier 2012. Le taux de personnes en-dessous du seuil de pauvreté est passé au cours des deux dernières années de 12,9% à 14,1% de la population.

Pourtant, les Français font de moins en moins de dons. Jusqu’à présent, même si le nombre de foyers français donateurs augmentait peu, il progressait quand même. Entre 2006 et 2007, il a pris 1,3%, mais entre 2007 et 2008, il a baissé de 0,1% et est resté stable les années d’après, selon le Centre d’étude et de recherche sur la philanthropie (Cerphi) et l’association France Générosité.

Et si le montant des dons croissait jusque-là de manière significative (+12,9% en 4 ans entre 2006 et 2009), ils ont nettement ralenti, n’enregistrant entre 2009 et 2010 qu’une hausse de 3,7%, contre 6,4% l’année précédente.

53% des Français qui donnent pourraient ne plus le faire

Mais pourquoi, alors que la pauvreté augmente et que la précarité s’installe, les Français donnent moins? Il est évident que la première raison est la crise. Les Français donnent moins car ils possèdent moins et qu’ils ont peur dans l’avenir.

D’après un sondage Médiaprism pour l’Observatoire France générosité, avec la crise 53% des Français qui effectuent des dons aux associations et fondations prévoient de diminuer le montant de leur dons ou de ne plus en faire. "93% des Français disent qu’elle a eu des répercussions sur leur situation financière, et 24% qu’ils ont du mal à 'joindre les deux bouts' en fin de mois. Parmi les Français qui donnent , 22% envisagent de ne plus le faire, 31% prévoient de diminuer le montant de leurs dons, et seuls 3% prévoient de l’augmenter". D’ailleurs, l’indicateur du moral des ménages de l’Insee montre bien le pessimisme ambiant. En novembre, il est ressorti à 84 points, largement en dessous de sa moyenne de 100 points.

Si les intentions des uns et des autres sont suivies des faits, la population des donateurs pourrait diminuer pour l’année à venir (- 12 points). Un français sur deux serait donateur contre deux tiers actuellement, notre Cerphi. Cela sera un véritable manque à gagner, surtout que les trois principales causes soutenues par les donateurs sont primordiales: recherche médicale (41%), aide à l’enfance (27%) et lutte contre la pauvreté et l’exclusion (23%).

Une fiscalité moins avantageuse

La deuxième explication est la fiscalité. De moins en moins avantageuse pour les donateurs, elle ne pousse pas à la générosité. Pour Francis Charhon, directeur général de la Fondation de France et Antoine Vaccaro, président du CerPhi, trois textes législatifs, notamment, sont en cause : "Tout d’abord, l’amendement Carrez, qui vise à intégrer le don des particuliers dans le plafonnement de toutes les déductions attachées à l’impôt sur le revenu. Ce plafonnement fixé à 10 000 euros aurait contribué à réduire les dons des plus grands donateurs (rappelons que 15 % des foyers aux revenus les plus élevés contribuent pour 45 % du montant des dons déclarés)".

"Vient ensuite le projet de territorialité du don, qui traite de la suppression de la déduction fiscale pour les dons effectués au profit de causes internationales qui ne relèvent pas de l’humanitaire, du rayonnement culturel, linguistique et scientifique de la France. Et enfin, celui qui concerne les taux de déduction du mécénat d’entreprise, qui serait divisé par deux, passant de 60% de l’IS à 30 %", complètent Francis Charhon et Antoine Vaccaro.

Une crise de confiance?

Mais en-dehors de l’aspect "financier", la confiance joue énormément. Victimes de scandales, financiers ou non (Croix-Rouge, Arche de zoé ou encore Unicef), les Français ont pu se détourner des associations ou ONG de crainte de voir leur argent mal utilisé.

C’est pourquoi depuis quelques années, à l’échelle internationale, a été créée un Forum à Haut Niveau sur l’Efficacité de l’Aide. Pour Karin Christiansen, directrice de PWYF (Publish what you fund, l’association d’aide à la transparence), la transparence est un enjeu primordial.

"Le manque de transparence est en partie responsable des gaspillages, des doubles emplois et de l’inefficacité de l’aide. Il entrave les efforts réalisés en vue d’améliorer la gouvernance et de réduire la corruption et rend l’évaluation des résultats difficiles. À une époque où les budgets consacrés à l’aide étrangère sont soumis à des pressions particulièrement fortes, il importe plus que jamais de favoriser la transparence et la reddition de comptes", a-t-elle déplorée.

Enfin, la dernière explication, mais difficile à quantifier, serait la lassitude. Même si certaines causes avancent, de nouvelles apparaissent. Les difficultés s’accumulent, voire même empirent. Les Français seraient-ils découragés?

Diane Lacaze