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40 milliards d’euros, la dette folle du groupe de Patrick Drahi

Pour Patrick Drahi, endetter son groupe n'est pas un problème tant que qu'il réussit à dégager du cash suffisant pour rembourser des taux d'intérêt historiquement bas

Pour Patrick Drahi, endetter son groupe n'est pas un problème tant que qu'il réussit à dégager du cash suffisant pour rembourser des taux d'intérêt historiquement bas - Fred Dufour - AFP

Avec le possible rachat de Bouygues Telecom, l'endettement d'Altice atteindrait des sommets rarement vus en France. Patrick Drahi a-t-il les moyens de ses ambitions?

L’argent n’est pas un problème pour Patrick Drahi. Interrogé par les députés en mai dernier lors d’une audition à l’Assemblée Nationale, le patron de Numericable-SFR a fait preuve d’une confiance à toute épreuve en son modèle de financement par l’emprunt. Et s’il n’a finalement pas acquis la filiale câble de Time Warner (finalement rachetée 78,7 milliards de dollars par le numéro 4 américain) ce n’est pas par manque de moyens financiers. "Le financement, je l'avais, a-t-il assuré devant la commission. Sans trahir de secrets, de très grandes banques françaises étaient avec moi, de très grandes banques américaines aussi."

Drahi le nouveau Messier?

Et creuser la dette de son groupe n’empêche pas le patron d’Altice de dormir. "Ce n'est pas de passer de 30 milliards à 70 milliards de dette qui m'inquiétait énormément, s'est justifié Patrick Drahi au sujet de son refus de surenchérir pour Time Warner Cable. C'était de passer de 35.000 collaborateurs à 120.000 collaborateurs." Dans cette optique, le rachat potentiel de Bouygues Telecom pour une somme comprise entre 10 et 11 milliards d'euros semble être une formalité pour le nouveau magnat des télécoms. Cela accentuera la dette d'Altice qui atteindrait alors les 40 milliards d’euros estiment les analystes financier de Kepler Cheuvreux. Selon ces derniers, Altice dont la charge de la dette représenterait 1,8 milliard d’euros verrait celle-ci croître de 450 millions d’euros avec le rachat de Bouygues Telecom.

"Un empire sur du sable"

Des sommes colossales qui inquiètent au plus haut sommet de l’Etat. "Il faut faire attention à ne pas fonder un empire sur le sable de l'endettement", s’est ainsi ému Michel Sapin, le ministre des finances sur RFI. Difficile de ne pas penser au Vivendi de Jean-Marie Messier et à ses 35 milliards d’euros de dette en 2002 ou à France Telecom qui suite à de colossales dépréciations d’actifs s’était retrouvé endetté au début des années 2000 à hauteur de 70 milliards d’euros (record absolu à ce jour pour une entreprise française). 

Y a-t-il un risque de voir éclater la bulle Altice ? Jusqu’à présent les banques (BNP Paribas en tête) ont une confiance aveugle dans la stratégie mis en place par Patrick Drahi de financement de sa dette par des gains de productivité (la méthode rappelle celle des LBO). Il faut dire que l’argent n’a jamais été aussi peu cher. La maison mère de Numéricable-SFR s’endette à des taux qui sont 10% plus bas que ceux d’Orange il y a 10 ans. Surtout les sociétés acquises, à la différence des nombreux rachats de Vivendi sous l’ère Messier, génèrent de vrais revenus. Difficile dès lors de parler de bulle à proprement parler.

Altice dans la catégorie spéculative

Reste que l’équilibre est fragile et repose sur des taux d’intérêt très bas. "Numericable peut supporter sa dette car elle ne représente que quatre fois son Ebitda, en revanche pour la maison mère Altice ce ratio dépasse déjà les cinq ce qui rend le groupe très vulnérable à une hausse des taux d’intérêt", estime Javier Borrachero, analyste chez Kepler-Cheuvreux. Une dette importante qui ne devrait cependant pas grever le groupe trop longtemps. "C’est vrai que cet endettement parait incroyable, observe Emmanuel Carlier d’ING, mais c'est soutenable, car une grande partie de leur dette a une maturité en 2020." Les agences de notation sont en tout cas bien moins optimistes : Standard & Poor's et Moody's ont attribué aux titres de la société de Patrick Drahi les notes B+ et Ba3 ce qui la place dans la catégorie spéculative. Et ça, c’était avant l’annonce de l’OPA sur Bouygues Telecom.

40 milliards d'euros d'emplettes en 14 mois

-Avril 2014: SFR 13,36 Mrd€

-Décembre 2014: Portugal Telecom 7,4 Mrd€

-Février 2015: 20% restant de Numéricable-SFR à Vivendi 3,9 Mrd€

-Mai 2015: Suddenlink 5,9 Mrd€

-Juin 2015: Bouygues Telecom 10 Mrd€

Frédéric Bianchi