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750g crée un resto où les recettes des internautes composent le menu

Le chef Damien Duquesne (ici à droite avec son fournisseur de café) va proposer chaque semaine sur sa carte 10 recettes piochées sur le site 750g

Le chef Damien Duquesne (ici à droite avec son fournisseur de café) va proposer chaque semaine sur sa carte 10 recettes piochées sur le site 750g - BFM Business

Le chef Damien Duquesne lance avec le site 750g dont il est le co-fondateur un restaurant dans lequel il cuisinera les recettes postées sur le site par les internautes.

Les restaurants aussi se convertissent au big data. C'est en tout cas la démarche de ce chef Damien Duquesne alias "Chef Damien" bien connu des habitués du site de recette 750g qu'il a cofondé avec son frère Jean-Baptiste Duquesne. Pourquoi le big data? "Parce que nous connaissons les goûts des Français, assure-t-il. Nous savons ce qu'ils aiment, quelle recette ils consultent et nous avons décidé de nous servir de cette masse d'informations pour ouvrir un restaurant."

Baptisé "750g La Table", cet établissement pouvant accueillir 120 convives est situé à Paris dans le XVème arrondissement à Paris. Il a ouvert ses portes ce vendredi 7 août. Le concept: tous les lundis, le chef et son équipe (une douzaine de personnes au total) vont piocher dans le top 100 des recettes les plus consultées du site pour élaborer sa carte. Dix plats différents seront ainsi proposés (3 entrées, 3 plats, 3 desserts et un plat végétarien). 

Des plats conçus avec des produits simples ("nous n'aurons pas de yuzu, de combava ou de citron caviar dans nos recettes", prévient d'emblée le chef Damien). Mais les recettes seront, si nécessaires, "améliorés". "Par exemple, la crème de courgettes glacée que nous allons proposer en ouverture qui est un grand classique du site sera agrémentée d'une chantilly au chorizo", explique-t-il. Le chef privilégiera par ailleurs les produits bio et les petits producteurs. Histoire de justifier de faire payer pour des recettes disponibles gratuitement en ligne.

Les tarifs, justement, seront ceux d'une brasserie de quartier parisienne: 24 euros pour une formule entrée-plat-dessert et 19.50 euros pour entrée-plat.

Un investissement de 1,3 million d'euros

Un restaurant qui aura en plus une dimension participative. Les clients pourront participer à la finition du plat s'ils le désirent (découper une viande, assaisonner un plat...) et ils repartiront avec la recette de leur choix dans un cahier offert à la fin. Ils pourront aussi donner leur avis dans des vidéos qui seront diffusées sur Facebook. "Même les avis négatifs, assure le chef, pour qu'on puisse améliorer le restaurant."

C'est le chef lui-même qui finance pour moitié les 1,3 million d'euros du restaurant (le reste étant apporté par son frère et la société Webedia qui édite le site 750g). Pour le challenger des sites de recettes en France derrière Marmiton, il s'agit d'une nouvelle diversification. Le portail qui propose 100.000 recettes (en grande majorité postées par les internautes) et réalise 18 millions de visites chaque mois a lancé il y a deux ans un magazine papier et propose régulièrement des ateliers de cuisine.

750g, Marmiton, les très juteux sites de recettes

Racheté 8 à 10 millions d'euros en 2013 par Webedia, le site de recettes 750g met du beurre dans les épinards de Fimalac sa maison maire. Le site qui a réalisé en 2014 un chiffre d'affaires de 3,5 millions d'euros a dégagé un confortable bénéfice de près de 1,2 million d'euros. Soit une marge de 34%.

Encore mieux que son concurrent, le leader Marmiton dont la marge n'est "que" de 25%. Même si les chiffres sont plus importants. En 2014, le site de recette du groupe Aufeminin a réalisé 8,2 millions d'euros de chiffre d'affaires pour un bénéfice de 2,1 millions d'euros.

Les recettes de cuisine sont-elles libres de droit?

C'est la question que l'on peut se poser. Le restaurateur peut-il exploiter commercialement des recettes conçues par d'autres et déposées sur internet comme c'est le cas avec "750g, La Table". A priori oui, rien ne l'en empêche. D'abord, dans ce restaurant, le chef ne reproduira pas à l'identique les recettes du site. "Je m'inspirerai mais je les améliorerai et les transformerai", assure-t-il. 

Reste que s'il est, en théorie, possible de protéger une recette avec un droit d'auteur, c'est dans les faits quasi-impossible à faire. Il faut prouver, dit la jurisprudence, qu'il s'agisse d'une "oeuvre de l'esprit", c'est à dire qu'elle raconte une histoire personnelle, qu'elle traduise une personnalité. Mais dans les faits, une liste d'ingrédients et son process de fabrication ne sont jamais reconnus comme une "oeuvre de l'esprit". Seules sont protégées, les recettes qui engagent un processus industriel. Et même là c'est difficile à prouver. D'où le fait que certaines marques (comme Coca Cola par exemple) gardent secrètes leurs fameuses recettes. 

Frédéric Bianchi